Chroniques

par laurent bergnach

Richard Wagner
Parsifal | Perceval

2 DVD Opus Arte (2014)
OA 1158 D
Antonio Pappano joue Parsifal (1882), Bühnenweihfestspiel de Wagner

Durant l’été 1845, jeune maître de chapelle conscient de son avenir dans la conception d’opéras originaux – de Die Feen [lire notre critique du CD] à Tannhäuser [lire notre chronique du 6 octobre 2011] –, Richard Wagner découvre Parzival, le poème épique médiéval de Wolfram von Eschenbach. Ce n’est qu’après plusieurs décennies qu’il va mettre en musique l’histoire de cet homme irréfléchi et ignorant parvenant à la sagesse au terme de sa quête, née du renoncement (là où Amfortas a succombé) et de la compassion (l’échec de Kundry). En janvier 1882, Wagner met un point final à son ultime ouvrage lyrique, créé à la Festspielhaus de Bayreuth, le 26 juillet.

Quelques années après The Minotaur de Birtwistle dans cette même Royal Opera House [lire notre critique du DVD], Stephen Landgridge met en scène une nouvelle histoire légendaire [lire notre chronique du 18 décembre 2013]. Il aborde Parsifal sous l’angle de l’humanité et de l’émotion, met l’accent sur l’insoutenable souffrance d’Amfortas, omniprésente au cœur d’une structure cubique transparente. Modèle de perfection et d’équilibre qu’entourent des silhouettes d’un gris-beige dépassionné, celle-ci est à la fois chambre d’agonie, castelet de brèves pantomimes illustrant des événements passés et lieu de cérémonie du Graal qui déroute autant le public que le tueur de cygne – à juste titre. Fondé par une secte porteuse d’erreurs fondamentales (le mépris, la peur, etc.), ce rituel païen va pourtant disparaître avec le retour de la lance sacrée :

« à la fin de l’histoire, explique Langridge, l’ordre est forcé d’affronter la réalité et le choc suscité par la condition mortelle de Titurel. Parsifal déclare que le sacré n’exige pas d’intermédiaire, que les secrets du Graal ne doivent plus être jalousement gardés. C’est le second grand enseignement de l’œuvre : passer d’une forme de spiritualité exclusive et secrète à un culte moins mystérieux, plus ouvert et accessible ».

Gurnemanz stable et ample, René Pape semble tenu à une tempérance parfois risible, à l’inverse de l’Amfortas de Gerald Finley, souple et expressif, qui se tord de douleur et attise le ressentiment de la communauté. Efficace d’un bout à l’autre du Bühnenweihfestspiel, Simon O’Neill (Parsifal) séduit par de nombreuses qualités (santé, sureté, clarté). Onctueuse en séductrice, Angela Denoka (Kundry) ne convainc guère hors de l’acte médian hanté par Willard White (Klingsor), lequel peine à nuancer. Enfin, Robert Lloyd campe un Titurel sonore. Quant à Antonio Pappano – que l’on retrouve au piano dans le second bonus, répétant avec le rôle-titre –, c’est avec beaucoup de douceur, voire de grande tendresse, qu’il mène l’orchestre maison, dans une simplicité qui ne pontifie pas.

LB