Chroniques

par laurent bergnach

Richard Wagner
Tannhäuser

2 DVD Arthaus Musik (2008)
101 351

Avant d'être remanié pour Paris au début de l'année 1861, Tannhäuser est d'abord présenté à Dresde le 19 octobre 1845, pour cinq représentations rassemblant un public encore sous le charme de Rienzi (1842). Malheureusement, l'ouvrage déconcerte. Même les critiques musicaux de renom sont partagés : d'aucuns vilipendent « un tourbillon de notes du début à la fin, sans aucune mélodie » ou le classent « parmi les œuvres ennuyeuses, le seul genre que l'on ne puisse tolérer », tandis que les plus affutés signalent « un immense talent dramatique », « une œuvre importante et pleine d'esprit ». En 2008, pour le Festspielhaus Baden Baden, Nikolaus Lehnoff réduit le décor à un immense escalier en colimaçon et renonce à illustrer les événements pour intensifier le drame psychologique que déclenche un héros plaidant la liberté érotique et sociale. Pour lui :

« Tannhäuser est un homme en quête du sens de la vie, un personnage faustien, un homme comme tout le monde – un homme cherchant un sens entre différents mondes incompatibles. Lors de son voyage dans le temps et l'espace, Tannhäuser passe d'une forme d'existence à une autre, et ce voyage dans le temps finit par déboucher dans le vide. Il ne semble jamais se trouver au bon moment, au bon endroit. Il cherche, il erre, comme perdu dans des sables mouvants. Il représente l'archétype du personnage marginal, animé par un puissant désir de mort. »

À part son tournoi de chanteurs façon Eurovision, la vision du metteur en scène séduit, d'autant que l'épreuve périlleuse de la bacchanale est passée avec succès, dès les premiers instants du premier acte. Le ballet réglé par Amir Hosseinpour et Jonathan Lunn aurait pu être ridicule, mais ces créatures larvesques qui sacrifient un animal maléfique – annonçant le chœur à venir, proche de créatures de l'humus ? – captent étrangement notre attention. Ici bondissante, la direction de Philippe Jordan, à la tête du Deutsche Sinfonieorchester Berlin, s'avère par ailleurs très articulée, claire jusqu'à la brillante (prélude de l'Acte III).

La distribution vocale offre également une grande qualité. Si la fatigue fait émerger les défauts habituels de Robert Gambil à l'Acte III – diction brouillonne, musicalité aléatoire –, reconnaissons au rôle-titre un chant bien conduit et contrôlé. De même, malgré un grave fatigué, Waltraud Meier (Venus) jouit d'une belle technique – legato exquis, en particulier. Avec sa vaillance et son phrasé magnifiques, Camilla Nylund (Elisabeth) livre une ultime prière tragique, désespérée plus que recueillie. Stephen Milling (Hermann) se révèle d'une puissance qui domine les ensembles vocaux, mais aussi tendre et nuancé ; Roman Trekel (Wolfram) se montre sonore et élégant et Marcel Reijans (Walther) fort souple. Félicitons enfin Katherina Müller (jeune pâtre), soprano au chant agréablement sain, précis et impacté.

LB