Chroniques

par samuel moreau

Richard Wagner
Lohengrin

2 DVD EuroArts (2006)
2072028
Richard Wagner | Lohengrin

Né en 1930 à Naumburg, étudiant à l'Institut Allemand de Théâtre puis assistant de Walter Felsenstein au Komische Oper (Berlin-Est) à partir de 1953, le metteur en scène Götz Friedrich fit ses débuts à Bayreuth en 1972, l'année même où il décida de ne pas retourner en République Démocratique Allemande. Son Tannhäuser y fit scandale, par l'orientation sociopolitique adoptée, la transformation d'un héros de drame sacré en « révolutionnaire convaincu, rejeté et condamné par son ancien milieu » – selon les termes du chroniqueur Franz Josef Strauss qui ajoute : « Quand s'éleva le chœur final, on avait en effet l'impression qu'en dépit de la qualité des chanteurs, le public avait sous les yeux la chorale de la Locomotive rouge de Leipzig, entreprise socialisée (groupe de combat) ». Pourtant, il fallait trouver une issue au ronronnement des années qui suivirent l'ère Wieland Wagner. Sans ce considérer comme un représentant de ce que l'on nomme le théâtre de metteurs en scène, Friedrich prouva qu'on pouvait trouver quelque chose de nouveau et de personnel dans une partition « après l'avoir analysée de fond en comble, en déchiffrant son message artistique du mieux possible et avec tout l'élan sensuel dont on est capable ».

Götz Friedrich (décédé le 12 décembre 2000) retrouve Bayreuth en 1979, pour monter Lohengrin. En direct mais sans public, à l'aide de gros plans discrets sur les visages, Brian Large l'y a filmé en 1982, durant un Festspiele qui voit également sa création scénique pour Parsifal. Cette fois, les réactions du public et de la critique demeurent plus tièdes et mesurées. En effet, comment s'indigner des lumières tranchées accompagnant la honte de Telramund, ou regretter la suppression du fameux du cygne au profit d'un disque aveuglant, symbole de transition entre réalité et utopie ?

À l'instar du dispositif scénique, la distribution s'avère plutôt efficace, offrant un quintette d'avant combat des plus équilibré. Dans le rôle-titre, malgré un aigu nasillard qui donne un côté agressif à son personnage et un bas-médium qui finit par s'engorger, Peter Hofmann livre un chant clair et nuancé. Jouissant d'un grave de velours, Siegfried Vogel propose un Heinrich crédible et phonogénique, jouissant d'une vraie plastique de la voix. Inquiétante, voire effrayante sans forcer l'expressivité, Elizabeth Connell compose une Ortrud inspirée, avec intelligence du texte, sens de la nuance et chaleur des notes graves. Elle forme un duo convainquant avec Leif Roar, baryton à l'impact très présent, possédant juste de qu'il faut de cuivre dans la couleur pour caractériser l'ambition de Telramund, manipulé en toute bonne foi. Quant àKaran Armstrong, seule une voix large peut expliquer un problème de justesse dans le médium, l'instabilité dominant les notes de passage (do dièse et mi).

Avec un prélude plein d'allant auquel il impose un bel ambitus dynamique, Woldemar Nelsson se révèle leste autant que ferme. Des cuivres infaillibles et un chœur délicat se plient superbement à cette lecture sans complaisance.

SM