Chroniques

par samuel moreau

Richard Wagner
Parsifal | Perceval

3 DVD Opus Arte (2005)
OA 0915 D
Richard Wagner | Parsifal

Créé à Bayreuth le 26 juillet 1882, Parsifal est un opéra qui aura attendu son heure ; c'est quarante ans plus tôt, en effet, que Richard Wagner découvre le poème de Wolfram von Eschenbach, paru vers 1210, et inspiré du Perceval de Chrétien de Troyes. En 1865, son mécène Louis II de Bavière reçoit un projet en prose ; en février 1876, il compose le passage des Filles-fleurs... jusqu'au terme, en janvier 1882. En pleine possession de ses moyens, le compositeur livre un drame scénique sacré en trois actes et six tableaux, d'un grand dépouillement de mots et de notes, dont Debussy vantera les sonorités « uniques et imprévues, fortes et nobles ».

Dans cette histoire ancrée dans le christianisme, Wagner aborde évidemment le thème du bien (le vieux Titurel, gardien du Graal), du mal (Klingsor qui, comme un ange déchu, s'est tourné vers le mal), du péché (Amfortas, qui s'est laissé séduire et a perdu la Sainte Lance), de l'innocence (Parsifal, esprit naïf au cœur pur), du rachat (Kundry pardonnée et Amfortas guéri des tourments de sa plaie vive). Pour représenter les convictions d'un compositeur non-violent, critique envers les puissants, et convaincu de la supériorité de la connaissance intuitive, Christopher Ventris incarne un Parsifal idéal. Le chanteur offre à son personnage – passé du sauvage rasta au rédempteur empli de sagesse – un chant nuancé et très posé.

En revanche – et c'est flagrant au deuxième acte – la Kundry de Waltraud Meier déçoit. Les aigus sont certes là, mais aussi des notes fausses, acides ou nasalisées, et un manque évident de legato. Si son rôle d'oiseau blessé du début passe encore, les actes suivants nous la montre grimaçante et peu concernée. Même soucis delegato non entretenu pour Thomas Hampson, au chant souvent proche du maniérisme et au jeu expressionniste des plus ridicules. Matti Salminen (Gurnemanz), Bjarni Thor Kristinsson (Titurel) et Tom Fox (Klingsor parfois instable) sont crédibles. Regrettons enfin un chœur masculin assez médiocre.

Nikolaus Lehnoff nous convainc par une mise en scène entre minimalisme et spectaculaire (le tournoiement de la météorite murale ou la pluie de cendres quand Klingsor est vaincu), mais c'est surtout Kent Nagano qui mérite nos éloges. Son prélude se pare d'une belle neutralité symphonique, sans trop de solennité, de théâtralité ; l'ouverture du deuxième acte est vive, tandis que celle du troisième révèle une sinuosité concentrée et grave. Le Deutsches Sinfonieorchester placé sous sa direction est donc au mieux de sa forme pour cette co-production entre les villes de Londres, San Francisco et Chicago et le Festival de Baden-Baden.

SM