Chroniques

par samuel moreau

Richard Strauss
Salome | Salomé

1 DVD Warner Vision (2006) zones 2, 3, 4, 5
9031-73827-2
Salome, opéra de Strauss

Après l'échec de Guntram (Weimar, 1894) puis de Feuersnot (Dresde, 1901), Richard Strauss connaît avec Salome son premier succès d'opéra. L'œuvre est créée le 9 décembre 1905, au Staatsoper de Dresde, devant une salle partagée entre enthousiasme et suffocation. En effet, cette histoire héritée de la Bible – qui inspira Flaubert, puis Wilde dont la pièce éponyme servit au présent livret – avait moins sa place sur une scène de théâtre que dans les pages d'un ouvrage psychanalytique, comme illustration idéale d'un cas d'hystérie. L'empereur Guillaume II, en particulier, désapprouve tant de sauvagerie.

Encore aujourd'hui, le compositeur semble condamné à ne jamais faire l'unanimité, puisque untel qui encensera l'expressionniste Elektra maudira sans retenue l'auteur de ce Rosenkavalier (Chevalier à la rose) qui doit tant à Mozart. On lui reprochera longtemps d'être arrivé après Wagner, Mahler et Debussy ; pourtant, ne serait ce que par cette volonté de rompre avec les canons du drame romantique en favorisant l'acte unique, il rejoint Bartók, Schönberg ou Zemlinsky.

Avec sa cour de palais assez épurée, composée de murs et d'escaliers, le décor de Josef Svoboda, pour cette production du Deutsche Oper Berlin, rappelle immanquablement le travail d'Adolphe Appia. La mise en scène de Petr Weigl est sobre, ce qui va mettre en lumière le personnage de la princesse, évoluant d'une douce langueur de fin de soirée à ce déchaînement sensuel attisé par l'odeur du sang.

Catherine Malfitano est-elle cette « adolescente de seize ans avec la voix d'une Brünnhilde » dont rêvait Strauss ? Sans doute, puisque son jeu nous rend un entêtement enfantin aussi attachant qu'exaspérant. Vocalement, si le grave est fatigué, quelle souplesse en revanche au-dessus du médium ! Quant à la Danse des sept voiles, la New yorkaise fait honneur à son premier rêve : être danseuse comme sa mère.

Ses partenaires ne déméritent pas, Simon Estes en tête. Son Jochanaan, tout de plénitude, nous terrifie avant même d'apparaître, tant la voix est imposante. De même pour Leonie Rysanek (Herodias) et Horst Hiestermann (Herode). Lumineux et nuancé, Clemens Bieber incarne un Narraboth convainquant. En fosse, Giuseppe Sinopoli ravit par un accompagnement précis des chanteurs. Mais pourquoi cet orchestre, tout de sensualité, est-il si souvent sourd et terne, si plan-plan quand la danseuse donne tout ?

SM