Chroniques

par laurent bergnach

Richard Strauss
Ariadne auf Naxos | Ariane à Naxos

1 DVD TDK (2004)
DV-OPSIBO
Ariadne auf Naxos, opéra de Strauss

Ariadne auf Naxos fut donné tout d'abord à Stuttgart, le 25 octobre 1912, dans une première version qui voyait l'œuvre succéder à une adaptation du Bourgeois gentilhomme – en remplacement du ballet turc commandé par Monsieur Jourdain. L'opéra en un acte, dépassant finalement la demi-heure prévue au départ, fut ensuite revisité et joué de nouveau, sans la pièce de Molière, le 4 octobre 1916, à Vienne. Comme souvent, c'est Hugo von Hofmannsthal qui avait fourni le livret. Cinquante ans après la création, grâce aux pionniers de la télévision autrichienne, nous gardons une trace de la représentation du 21 août 1965, au Kleines Festspielhaus de Salzbourg.

« Cette composition est une œuvre grave et importante » annonce un compositeur qui s'apprête à faire représenter son Ariane à Naxos devant son mécène et ses invités. Mais un double coup de théâtre vient abattre le jeune créateur : non seulement il devra partager la soirée avec une troupe de comédiens de bouffe italienne (et donc ménager des coupures dans sa partition, pour que le feu d'artifice de 21h ne soit pas retardé !) mais il apprend que les deux spectacles seront joués simultanément, obligeant sa noble héroïne, abandonnée sur son île et prête à se laisser mourir, à subir les commentaires et les conseils de Zerbinette et de ses acolytes costumés. Finalement, comme si la philosophie de la jeune amoureuse avait finit par déteindre sur elle, Ariane trouve le réconfort dans les bras de Bacchus.

Les nuances théâtrales autant que musicales de Paul Schöffler (le Maître de musique) et la vaillance fiable de la soprano Sena Jurinac (le compositeur) sont un prologue efficace à la première partie de l'opéra, d'autant que la mise en scène de Günther Rennert – même si plus lâche et conventionnelle ensuite – est un tourbillon d'interventions diverses, recréant l'excitation euphorique ou angoissée propre aux coulisses avant le lever de rideau. Reri Grist (Zerbinette) chante impeccablement, mais son timbre un peu aigre n'offre pas un plaisir total. De même, Hildegard Hillebrecht (Ariane) possède une voix large, mais aux intervalles pas toujours infaillibles. Son duo final avec Jess Thomas (Bacchus à la voix évidente, au timbre corsé) est équilibré et crédible.

Saluons enfin Karl Böhm, habitué à diriger Strauss et Ariadne auf Naxos en particulier (1954, 1964) ; avec beaucoup de relief et d'allant, le chef révèle la qualité des solistes de chaque pupitre, souligne l'écriture chambriste d'un trio raffiné de Naïades et fait crier le Wiener Philharmoniker à l'entrée de Bacchus.

LB