Chroniques

par laurent bergnach

Richard Strauss
Salome | Salomé

1 DVD TDK (2008)
DVWW-OPSALOME
Salome, opéra de Strauss

Publiée en 1893 dans la langue de Pierre Louÿs, la Salomé d'Oscar Wilde rencontre les lecteurs anglais l'année suivante – l'auteur revoit sans doute lui-même la traduction de Lord Alfred Douglas jugée décevante –, puis ceux de langue allemande, dix ans plus tard, grâce au travail de la poétesse Hedwig Lachmann. À l'aube de la quarantaine, lorsque Richard Strauss entame la composition de son drame musical en un acte (été 1903), il semble saisir là l'opportunité de défendre ses convictions artistiques :

« Il y a longtemps, écrit-il,que je reprochais aux opéras à sujet oriental ou juif leur manque de coloris oriental et de soleil brûlant. Le besoin que j'en éprouvai m'inspira des harmonies vraiment exotiques, qui chatoyaient particulièrement dans des cadences d'un genre étrange, comme de la soie changeante ».

Créée à Dresde le 9 décembre 1905, l'œuvre profite du parfum de scandale qui entoure une pièce montée tout d'abord à Paris tandis que son auteur croupissait à la geôle de Reading (1896), retirée de l'affiche après sa première new-yorkaise (1907) et interdite en Angleterre jusqu'en 1931.

Filmée à Milan en mars 2007, la mise en scène de Luc Bondy (vue jadis au Châtelet) respecte le désir du musicien d'éviter la frénésie qui anime déjà la partition. Des pistes sont empruntées, trahissant l'intériorité des personnages : la tentation de Jochanaan à partir d'un voile respiré, Salome posant son pied sur le couteau utilisé par Narraboth, les cinq Juifs cherchant des réponses dans les livres quand la présence de l'aujourd'hui contredit toute certitude, etc. Dommage que des plans tournés depuis les coulisses perturbent parfois la théâtralité.

Faisant scintiller les facettes du personnage (amusement mêlé de crainte, rage enfantine face à la frustration, etc.), Nadja Michael compose une Salome toute en puissance et délicatesse – Lucinda Childs chorégraphie sa danse dont les voiles successifs, diversement teintés, annoncent la décollation. Avec des poses de catcheur pas vraiment « décharné », le Jochanaan de Falk Struckmann se montre vaillant et à l'aise. Nuances et couleurs caractérisent Matthias Klink dans le rôle de Narraboth. Peter Bronder et Iris Vermillion incarnent respectivement Herodes, avec beaucoup de fermeté, et Herodias, d'une belle évidence. Le reste de la distribution ne dénote pas. À la tête de l'Orchestra del Teatro alla Scala, Daniel Harding s'avère plutôt alerte.

LB