Chroniques

par hervé kœnig

René Aubry
Signes – chorégraphie de Carolyn Carlson

1 Bel Air Classiques (2007)
BAC018
chorégraphie de Caroline Carlson dans des décors d'Olivier Debré

C'est bien de peinture qu'il s'agit, avec cette chorégraphie de Caroline Carlson imaginée dans les décors que conçut Olivier Debré à partir de ses propres toiles. C'est autour de ce premier signe du langage qu'est le sourire pour le plasticien que se trouve ici abstraite l'inscription même de l'expressivité, à travers la lumière qui dérive les contrastes de couleurs et l'écriture du mouvement.

C'est d'abord un opéra que le peintre souhaitait créer pour l'Opéra de Paris, un projet qui stagnerait dix ans dans ses tiroirs avant que sa rencontre avec la danseuse le fasse évoluer vers un ballet. Des vingt-quatre maquettes d'origine ne resteront que sept tableaux qu'explorent ici Marie-Agnès Gillot, Kader Belarbi et le Corps de Ballet de l'Opéra national de Paris. Signes verrait le jour en 1997, interprété alors par Marie-Claude Pietragalla. La représentation que restitue ce DVD fut captée lors des reprises du printemps 2004.

Comme d'habitude chez Carlson, on cerne le côté graphique de la présence du danseur dans un espace d'ailleurs calligraphique, puisqu'il y trace les choses. Ce que l'on perçoit moins, c'est l'énergie, très présente dans ses créations des années quatre-vingt, par exemple ; il y a désormais une sorte de convention de l'énergie, sans fascination, au lieu de l'ancienne canalisation d'un trop-plein ou d'une carence. À la déambulation plus ou moins saccadée de Kader Belarbi répond la lenteur quasi wilsonienne de sa partenaire, le cheveu flouté comme la bavure diluée d'un leste pinceau japonais. Ce succèdent plusieurs univers, des contrastes andalous aux femmes découpant l'immensité picturale de leurs chapeaux, de la mobilité de curieux volumes géométriques à un rituel vibratile d'ombres en passant par de ligneuses silhouettes masculines affirmant la puissance du bleu.

Un reportage signé Marc Bonnet et Sylvie Carlier – Legato – nous invite dans l'atelier du peintre où on le voit travailler sur un modèle réduit du cadre de scène de l'Opéra Bastille, mais aussi contraint de communiquer ses désirs à une équipe qui les réalise, chose inhabituelle pour un plasticien qui œuvre seul. L'on y rencontre Caroline Carlson et Olivier Debré deviser, s'amuser, échanger, s'engueuler, boire du champagne, mais aussi Brigitte Lefèvre, Directrice de la danse à l'Opéra, qui présente l'aventure de Signes avec une verve nettement plus passionnante. Par-delà l'indigence musicale, le spectacle est joli, à défaut d'atteindre le beau.

HK