Chroniques

par laurent bergnach

récital Quatuor Ellipsos
Escaich – Françaix – Pierné – Ravel

1 CD Genuin (2014)
GEN 14543
récital Quatuor Ellipsos (saxophones)

Né en Belgique voilà deux siècles, Antoine-Joseph Sax (1814-1894), mieux connu sous le prénom d'Adolphe, poursuit les expérimentations de son père facteur d’instruments jusqu’à inventer celui qui fera sa renommée : le saxophone. Habitué à modifier flûtes et clarinettes depuis l’adolescence, Sax s’empare cette fois de l’ophicléide – cuivre à neuf clés, breveté en 1821 par Jean Hilaire Asté et bientôt détrôné par le tuba – dont il remplace l’embouchure par un bec et une anche de clarinette basse. Le but recherché est alors, non pas de fournir de nouvelles couleurs à un genre musical en gestation à la Nouvelle-Orléans, mais d’étoffer les fanfares de plein air avec « un instrument qui, par le caractère de sa voix, pût se rapprocher des instruments à cordes, mais qui possédât plus de force et d’intensité que ces derniers ».

De nombreux compositeurs s’intéressent au nouveau-né – que le label Ricercar offre, tout dernièrement, de redécouvrir (RIC 341). On peut citer Berlioz, qui vante ses graves « d’un grandiose pour ainsi dire pontifical », mais plus particulièrement Jean-Georges Kastner (1810-1867) qui utilise un quatuor dans son opéra Le dernier roi de Juda (1844), deux ans avant le dépôt du brevet, et Jean-Baptiste Singelée (1812-1875) dont l’opus 53 propose une formation similaire.

Fondé en 2004 à Nantes, Ellipsos regroupe quatre saxophones de divers registres – soprano, alto, ténor et baryton –, tenus respectivement par Paul-Fathi Lacombe, Julien Bréchet, Sylvain Jarry et Nicolas Herrouët. Le programme français qu’il propose aujourd’hui mêle œuvres originales et arrangements qui font la part belle à des raretés largement en relation avec la danse : Introduction et variations sur une ronde populaire (1934) de Gabriel Pierné (1863-1937), Petit quatuor (1935) de Jean Françaix (1912-1997) ainsi que Tango virtuoso (1993) et Le bal (2003) de Thierry Escaich (né en 1965).

L’enregistrement s’ouvre et se ferme avec Maurice Ravel (1875-1937) qui permet de juger de l’habileté des quartettistes en présence. Pavane pour une infante défunte (1899) offre d’abord une langueur désolée, une sonorité moelleuse qui se corse et s’affute peu à peu. Pour leur part, les cinq parties empruntées au six du Tombeau de Couperin (1919, version piano) sont riches d’une vivacité virtuose (Prélude, Toccata), de nuances et de couleurs (Forlane, Rigaudon, et ce Menuet dont on goûte particulièrement l’élégance fluide et un peu timide). Enfin, le Boléro (1928) déroule sa pelote avec une assurance qui n’a pas à rougir d’un instrumentarium restreint.

LB