Chroniques

par samuel moreau

récital Philippe Delacour
musique virtuose pour orgue

1 DVD Fugatto (2007)
Fug 024
Un programme varié pour l'organiste Philippe Delacour

C'est avec une conviction partagée par votre serviteur que Federico Savio a entrepris de filmer une douzaine de pièces pour orgue car, comme il s'interroge fort justement, « cet instrument-roi aux multiples facettes, tantôt murmure, tantôt tonnerre, toujours mystérieux et caché aux regards du plus grand nombre, demandant tant de dextérité à celui qui veut le faire chanter, n'est-il pas l'instrument qui a le plus besoin d'être montré ? ». Outre une belle prise de son, la variété du programme constitue une invitation à découvrir ce document d'une heure et demie.

Présentés ici par ordre chronologique de naissance, les compositeurs se succèdent, avec leurs styles si différents, dont certains se reconnaissent sans hésitation. Bien qu'il fut organiste titulaire du Grand Orgue de Saint Gervais (Paris), l'auteur de Messe à l'usage des Paroisse, François Couperin, a peu écrit pour cet instrument, à l'inverse de Johann Sebastian Bach qui lui a consacré une œuvre monumentale, dont la Toccata en fa majeur BWV 540 est une des pièces les plus développées. S'il a rendu hommage au précédent, c'est à Meyerbeer – et à son Prophète – que Franz Liszt emprunte un thème pour sa Fantaisie sur Ad nos, ad salutarem undam. Pilier de la renaissance de l'école française dans ce domaine, César Franck fut titulaire de Sainte Clotilde avant d'enseigner l'orgue au Conservatoire ; nous retrouvons son mélancolique Prélude, Fugue et Variation (1862), ainsi que des extraits du recueil L'Organiste (1890), écrit l'année de sa mort.

Élève du précédent au sortir de l'Institut des jeunes aveugles, Louis Vierne joua à Notre-Dame de 1900 à sa mort, en 1937. Artiste virtuose et doué pour l'improvisation, il laisse des pages lumineuses et sereines, telles L'Hymne au soleil ou Berceuse. Quant à lui, Marcel Dupré compose les célèbres Trois préludes et fugues Op.7 (1912) alors qu'il est encore étudiant au Conservatoire, pages que les éditeurs jugent trop difficiles du point de vue technique – le troisième, en sol mineur, se clôt effectivement sur une gigue endiablée. Nommé d'abord à Saint-Etienne-du-Mont après des études avec Vierne, Maurice Duruflé enseigna et se produisit comme concertiste. En 1942, alors qu'on connaît l'influence de Dupré sur Olivier Messiaen, c'est à un autre de ses élèves qu'une pièce de Duruflé rend hommage : Jehan Alain, disparu au combat en nous léguant l'éthéré Jardin suspendu (1934) et l'enjoué Litanies (1937).

Ayant appris de Mireille Krier (piano), Pierre Gazin et Marie-Claire Alain, Philippe Delacour enseigne à son tour, et joue très régulièrement en public. Alternant avec des plans des Grandes Orgues Haepfer-Aubertin de Saint Jean-Baptiste (Château-Salins), restaurées en 1995, et du Grand Cavaillé-Coll de Notre-Dame (Metz), abîmé lors d'une restauration de façade en 1990 (aïe !), c'est un plaisir de voir ces mains courant sur les touches, les pieds dansant sur le pédalier, tandis que son beau visage demeure concentré et serein.

SM