Chroniques

par samuel moreau

récital Nina Stemme
Boeck – Nystroem – Wagner

1 CD Phædra (2004)
DDD 92040
récital Nina Stemme | Boeck – Nystroem – Wagner

Après avoir incarné quelques personnages marquants du répertoire – en particulier Pamina et la Comtesse chez Mozart ; Mimi, Tosca, Suor Angelica et Cio Cio San chez Puccini –, Nina Stemme saisit l'occasion, avec son premier disque de récital, de revenir à d'anciennes amours. En effet, ayant défendu les rôles de Freia (Bayreuth), Gutrune (Hambourg), Elsa (Bâle), Senta (New York), Sieglinde (Cologne), Eva (Turin), Elisabeth (Anvers, Savonlinna) et avant que d'être Isolde à Glyndebourne à l'été 2007, il ne fait aucun doute que le soprano suédois a trouvé en Wagner un artiste de prédilection.

Études pour Tristan und Isolde, justement, deux Lieder (Träume ! et Im Treibhaus) constituent, avec trois autres, le cycle Fünf Dilettanten-Gedichte für eine Frauenstimme, plus connu sous le nom de Wesendonck Lieder. On connaît l'histoire : exilé d'Autriche en 1849 pour sa participation à un coup d'état, réfugié à Paris puis à Zurich, c'est auprès du riche négociant Otto Wesendonck, connu en 1852, queRichard Wagner trouve un peu de répit. Mais une passion interdite pour la femme de son hôte, Mathilde, esthète et artiste, va désormais le tourmenter. Installé dans la propriété du couple en avril 1857, c'est peu après, du 30 novembre au 1er mai 1858, qu'il mettra en musique les poèmes de son inspiratrice. Nina Stemme offre au disque une interprétation inspirée, bien que parfois entravée par un soutien instable.

La chanteuse souligne ensuite avec un à-propos bienvenu le caractère méditatif et nostalgique des mélodies marines du Suédois Gösta Nystroem (né à Silvberg / Dalarna en 1890, mort à Varberg en 1966). Peu connu en France, le compositeur a cependant vécut à Paris de 1919 à 1932, où il étudia auprès de Vincent d'Indy, Leonid Sabanief et Camille Chevillard – surtout la musique de chambre – après avoir appris le piano avec un père organiste amateur. Se consacrant également à la peinture, son œuvre entière semble vouée à la mer, au point d'organiser des voyages en Méditerranée ou en Bretagne. Citons pour exemple le poème symphonique Ishavet (La mer Arctique) et les cinq mélodies de Sånger vid havet (Poèmes du bord de mer), renvoyant au souvenir des plages de sa jeunesse, alors que le monde est en guerre (1942-43). Les poètes Ebba Lidqvist, Edith Södergran, Hjalmar Gullberg et Ragnar Jändel lui inspirèrent ce cycle dont le style rejoindra parfois celui des musiciens postromantiques anglais de la première moitié du XXe siècle, dans un même élan lyrique, pour lequel il écrivit une version pour piano et une autre pour orchestre.

Organiste avant d'être encouragé à composer, August de Boeck (Merchtem, 1865-1937) a consacré beaucoup d'œuvres à la musique vocale : plusieurs opéras (Therwoigne de Méricourt, Reinaert de Vos, La Route d'Émeraude, Winternachtsdroom), de nombreuses cantates, ainsi que des mélodies sur des poèmes néerlandais et français. C'est la Bruxelloise Jeanne Cuisinier, qui écrivit beaucoup avant de trouver la célébrité comme ethnologue, qui fut une de ses sources préférées durant plusieurs années – les sept morceaux réunis ici sont datés de 1911 à 1915. Le postromantisme s'y ouvre au symbolisme, comme nous le fait magnifiquement comprendre Nina Stemme par une interprétation habitée par la musique de Fauré à laquelle l'auditeur ne manquera de songer. Elle use judicieusement de la chaleur d'un timbre dont l'expressivité sert idéalement les poèmes que le compositeur a fait siens.

SM