Chroniques

par michel slama

récital Marcello Álvarez
Bellini – Bizet – Cilea – Giordano – Lalo – etc.

1 CD Sony Classical (2004)
SK 92037
récital Marcello Álvarez (ténor)

L'exercice de style que constitue un récital d'airs d'opéras reste une épreuve pour de nombreux grands chanteurs : il est souvent difficile de composer autant de personnages différents pour un ou deux grands airs sans continuité, d'arriver à l'osmose avec des orchestres sous contrats et des chefs routiniers…

On ne peut ainsi cacher sa déception à l'écoute du nouveau récital que nous propose Marcelo Álvarez, essentiellement consacré au répertoire belcantiste et vériste italien (Bellini, Cilea, Giordano, Ponchielli, Puccini) et à quelques airs français (Bizet, Lalo, Meyerbeer). Si le ténor argentin a l'honnêteté de reconnaître que son chant a considérablement évolué au cours des années, l'usure prématurée de sa belle voix d'or est accusée davantage par une technique emphatique et vieillotte, à la limite du larmoyant (Tosca). De plus, de nombreuses notes aiguës sont maintenant devenues difficiles et sont souvent tirées (Manon Lescaut).

Peu aidé par un Marcello Viotti, amorphe et pesant, qui lui offre des tempos alanguis et d'une lenteur somnifère (La Bohème), son interprétation finit par devenir exempte de toute passion et de toute émotion, dans un répertoire où les réussites des grands ténors ne manquent pas – à commencer par Rolando Villazón, ténor mexicain prometteur, qui nous offrait, il y a quelques mois, un disque de référence. La comparaison avec le jeune chanteur est cruelle pour l'aîné. Accompagné par le même Viotti, en excellente forme, tout en nuances et à son écoute, Villazón nous offrait un florilège proche de celui-ci, mais avec une voix saine, solide et parfaitement maîtrisée, aux respirations et vibratos contrôlés. Dans l'air de L'Arlésienne, le Federico de Rolando est sobre, humain, émouvant jusqu'aux larmes ; celui de Marcelo est criard, caricatural, aux limites du ridicule, avec vibratos et portamentos excessifs…

Pour une voix déjà fatiguée, quelle idée d'aller enregistrer l'air de bravoure du ténor italien du Rosenkavalier, sans aucun humour et au premier degré, et le duo A te, o cara des Puritani réduit à un monologue, sans la partie de la soprano, mais avec des suraigus toujours aussi meurtriers pour le chanteur ! Quel dommage ; car le timbre reste magnifique quand l'argentin sait un peu se contrôler et éviter les sempiternels soupirs désespérés et larmoiements véristes (Turandot).

Les trois airs français sont, en revanche, une bonne surprise et c'est sûrement la fréquentation des Des Grieux et Roméo sur les plus grandes scènes mondiales qui le trouvent plus à l'aise avec notre répertoire national. C'est avec plaisir qu'on retrouve le bel air Vainement ma bien aimée du Roi d'Ys peu fréquenté des récitals de ce genre et qu'il interprète avec fougue et tendresse, en respectant le style français. Globalement, un enregistrement bien inégal et seulement recommandable aux inconditionnels du ténor.

MS