Chroniques

par michel slama

récital Brendan Goh et Reinhard Schobesberger
Bach – Cassadó – Fauré – Haydn – Paganini – etc.

1 SACD Ars Produktion (2014)
ARS 38 752
Sept compositeurs pour le jeune Brendan Goh (violoncelle)

Moments de jeunesse est un titre prédestiné pour ce deuxième enregistrement du violoncelliste Brendan Goh. Le tout jeune prodige est né à Singapour en 1999 et a commencé à quatre ans l’étude de l’instrument. Ses débuts se cantonnèrent au pays natal jusqu’à l’âge de treize ans quand il fut invité à participer au gala Musique et Jeunesse par l’Internationale Musikakademie du Liechtenstein, ce qui lança sa carrière. Parrainé par Steven Isserlis et Heinrich Schiff, il poursuivit ses études à Vienne auprès de solistes des Wiener Philharmoniker. Il est le vainqueur de nombreux prix en Russie, au Japon et en Allemagne, récompensant de très jeunes talents.

Ce programme original se présente plus comme un portrait en forme de récital du Singapourien qu’un enregistrement du répertoire violoncellistique. Aux côtés d’une suite de Johann Sebastian Bach voisine un choix d’œuvres très éclectique des XIXe et XXe siècles, dont certaines transcrites pour l’instrument. Brendan Goh entame donc son menu avec la Suite en ut majeur BWV 1009 n°3 qui le trouve assez scolaire et grinçant. Il est vrai que la concurrence est rude pour cette page particulièrement fréquentée, véritable cheval de bataille. Cette remarque sera, hélas, valable pour l’ensemble du CD. Même s’il parvient à maîtriser son instrument sans éviter quelques écarts de justesse, une certaine platitude et une flagrante absence d’émotion se font sentir, vraisemblablement due à son âge tendre.

Ce sont, bien sûr, les Fantasiestücke Op.73 de Robert Schumann, initialement conçus pour clarinette, qui le mettent à l’épreuve. Il est pourtant bien secondé par le pianiste autrichien Reinhard Schobesberger qui fait de son mieux pour animer l’exécution. Plus douteuse encore, l’interprétation de la fameuse Élégie Op.24 de Gabriel Fauré est atone et laborieuse. Il n’y règne aucune mélancolie ni nostalgie d’aucune sorte. On est un peu déçu de n’entendre que le deuxième mouvement du Concerto en ré majeur Hob.VIIb.2 de Joseph Haydn en accompagnement de piano seul, ce qui rend l’œuvre méconnaissable en la ramenant à une forme de sonate romantique. On aurait voulu entendre l’artiste dialoguant avec un orchestre, même de chambre….

Le meilleur reste à venir avec une fort belle pièce du catalan Gaspar Cassadó (1897-1966), élève de Casals pour l’instrument, de Ravel et de Falla pour la composition. Brendan Goh, qui semble mieux intégrer l’âme espagnole, s’en tire haut la main. Il en va de même avec Le Grand Tango d’Astor Piazzolla qu’il exécute parfaitement, rythme et profondeur étant cette fois au rendez-vous.

Pour finir, une transcription pour violoncelle seul du neuvième Caprice de Paganini, initialement écrit pour violon, le montre à son meilleur, avec une virtuosité parfaitement maîtrisée dans les deux registres qui font la particularité de cette pièce en forme de bis. Un moment de jeunesse, peut-être – il a seize ans, à peine –, mais qui lui laisse cependant plein d’espoir pour l’avenir.

MS