Chroniques

par michel slama

Pietro Mascagni
Cavalleria rusticana | Chevalerie rustique

1 CD Naxos Historical (2004)
8.110261
Pietro Mascagni | Cavalleria rusticana

Comme j’ai déjà eu l'occasion d'en parler ici même, les droits d'auteur musicaux cessent au bout de cinquante ans et tombent alors dans le domaine public, ce qui permet à des éditeurs comme Naxos et Membran de rééditer des enregistrements de légende, à moindre coût, à l’instar de ce Cavalleria Rusticana (RCA Victor), enregistré à New York en 1953.

Il s’agit ici d'un CD bien connu parmi les soixante-et-un témoignages parus entre 1909 et 1997 de l'opéra le plus fêté de Mascagni (studio ou live). L’année 1953 fut particulièrement riche pour Cavalleria : outre Milanov et Björling pour le CD qui nous occupe aujourd’hui, il y eut, cette année-là, Elena Nicolaï et Mario del Monaco (Decca), Margaret Harshaw et Richard Tucker (CBS), Maria Callas et Giuseppe di Stefano (EMI) et, Giulietta Simionato et Achille Braschi (Cetra). C’est dire combien la concurrence fut rude pour le couple vedette du Met’.

Et il faut bien reconnaître qu’ici, ni l’un, ni l’autre est au meilleur de sa forme. Si Zinka Milanov, grande cantatrice oubliée aujourd’hui des jeunes générations, avait incarné une Santuzza exceptionnelle dix ans auparavant au Met’, elle n’est plus en 53 à l’apogée de ses moyens vocaux… Le soprano yougoslave, plus à l'aise dans le répertoire verdien, grossit inutilement sa voix pour compenser son peu d'aptitude aux grandes inflexions expressionnistes réclamées par le compositeur. Les exquises nuances dont elles savaient jouer tombent à plat. Comparée à Callas et surtout Tebaldi, inoubliable dans le rôle, Milanov est bien indifférente et manque de mordant et de style…

Le Turiddu de Jussi Björling, ténor suédois à la voix chaude et séduisante, apparaît peu à l'aise et un peu exotique dans ce rôle. Son choix ne semble justifié que par la popularité du couple formé avec Milanov. Cet immense chanteur au goût parfait, spécialiste de Mozart et de l’opéra français, ne peut retrouver l’italianità vériste attendue ! Dès son air d’ entrée « O Lola », on est surpris par une voix engorgée, forcée, et qui tente de proposer une sérénade sicilienne bien peu idiomatique… Le duo « Tu qui Santuzza » le trouve, cependant, comme sa partenaire, plus investi, et plus à l'aise avec la partition. Il se rattrapera encore mieux à la fin de l’ouvrage avec un « Mamma, quel vino » d'une grande émotion.

Robert Merrill, qui fut l'un des barytons piliers du Met’ avec Leonard Warren, est parfait en Alfio. La direction de Renato Cellini à la tête du RCA Victor Orchestra, sans être particulièrement inspirée, est honnête et a le mérite de soutenir les chanteurs. Le son, rénové et débarrassé de tout bruit de fond, est particulièrement séduisant pour l'époque, même s'il est faible en aigus, ce qui se compense facilement avec le matériel hi-fi actuel. On regrettera le côté spartiate du livret, sans iconographie, uniquement en anglais, et sans le texte intégral du drame.

MS