Chroniques

par laurent bergnach

Olivier Messiaen
intégrale des mélodies

2 CD Brilliant Classics (2005)
7448
Olivier Messiaen | intégrale des mélodies

Pour résumer l'héritage d'Olivier Messiaen, il est toujours facile de recourir à des groupes thématique : les premières pièces pour orgue qui annoncent déjà sa foi en Dieu – d'Apparition de l'Église éternelle (1932) aux Corps glorieux (1939) –, ses transpositions de chants d'oiseaux, dans de vastes cycles pour piano et ensemble, liées aux années cinquante – Réveil des oiseaux (1953), Oiseaux exotiques (1955) –, ou encore son travail pour la voix dont on retient évidemment les quatre heures et demi de Saint François d'Assise. Mais cette opéra-testament ne nous fait pas oublier les mélodies plus modestes laissées par le compositeur – à partir de ses propres textes, qui plus est, si l'on excepte Le sourire, d'après un poème de sa propre mère, Cécile Sauvage, au cœur de Trois mélodies (1930). Cet enregistrement, respectant leur chronologie, a la bonne idée de regrouper l'intégralité des créations pour soprano et piano, soit trois cycles majeurs.

Dédié à la violoniste Claire Delbos, sa première épouse, Poèmes pour Mi (1936) est une réflexion en neuf parties sur l'amour terrestre consacré par le mariage. Avec des mots simples, Messiaen présente l'homme et la nature comme des créations divines, si bien que les relations humaines du premier livre trouvent leur contrepartie théologique dans le second. Le plain-chant, la psalmodie et l'impressionnisme mêlent ici leurs influences sacrées et profanes. Avant d'être orchestrée en 1937, cette autobiographie musicale verra une suite dans Chants de terre et de ciel (1938) où apparaît de nouveau le surnom de la femme aimée, mais aussi les joies de la paternité – deux mélodies sous-titrée « pour mon petit Pascal » –, et la conscience de la mort transcendée par la Résurrection.

Avec ses douze Chants d'amour et de mort, Harawi (1945) s'apparente aisément au liebestod wagnérien – avec Turangalîla-Symphonie et Cinq rechants de 1948 [lire notre critique du CD], il forme d'ailleurs ce que l'on appelle la Trilogie de Tristan. Le destinataire de ces textes, émaillés de mots inconnus proches de l'onomatopée, est de nouveau la femme aimée, la Colombe verte. Comme le titre de l'œuvre, la musique est d'inspiration péruvienne. L'accompagnement et la ligne de chant s'y côtoient comme s'ils étaient deux choses distinctes et séparées.

Messiaen, dont la wagnérienne Marcelle Bunlet créa le cycle, l'avait lui-même précisé : Harawi est destiné à un grand soprano dramatique. La Néerlandaise Ingrid Kappelle remplit ces conditions. La Vocalise d'étude nous renseigne assez vite sur l'espace de sa voix, tandis que sa couleur sombre convient à cet univers sensuel entre ciel et terre. Les aigus sont faciles et les graves très présents, jusqu'à se faire caverneux (les premiers vers d'Épouvante.) Si la diction est souvent approximative, l'engagement général, la délicatesse de certaines interprétations (L'Amour de Piroutcha) l'excusent aisément, d'autant que s'y ajoute la belle présence du pianiste Håkon Austbø. Attention au livret en anglais bourré de coquilles et d'informations fausses !

LB