Chroniques

par samuel moreau

Nikolaï Rimski-Korsakov
Садко | Sadko

1 DVD Classound / Gosteleradiofond (2005)
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Nikolaï Rimski-Korsakov | Sadko

Un avertissement, pour commencer : le présent enregistrement ne comportant pas de sous-titres, mieux vaut avoir en tête l'histoire de Sadko, le chanteur de Novgorod qui subit les moqueries de marchands prospères avant de devenir l'homme le plus riche de la ville, suite à la rencontre de Volkhova, princesse de la Mer, sur les rives du lac Ilmen. Ceci dit, au regard de la distribution proposée, cette production du Théâtre du Bolchoï en 1980 – dans la ville où l'ouvrage en sept scènes de Rimski-Korsakov fut créé le 7 janvier 1898 – vaut bien ce maigre inconfort.

En effet, que dire de la prestation de Vladimir Atlantov sinon qu'elle est sans faute ? En vrai ténor héroïque, il incarne le héros de façon certes conventionnelle, mais avec une vaillance démesurée, presque sauvage. Cette santé incroyable et lumineuse – aigu d'un diamant pur, netteté des attaques, énormément d'harmoniques dans chaque son – ne se fait pas au détriment de la souple conduite du chant. Lorsqu'il fait ses adieux à sa femme Lioubava, au Tableau III, la voix seule suffit à nous dire l'enchantement des heures passées avec la fille du roi de l'Océan.

Si la première de ces deux artistes, Irina Arhipova, convainc par un chant ample et nuancé, avec du cuivre dans l'aigu, du corps dans le grave, la seconde déçoit en comparaison. La pâte vocale est irréprochable, l'émission puissante, mais Tamara Milachkina, avec un air emprunté, un sourire satisfait de danseuse, n'offre ni la présence dramatique, ni la séduction qu'exige un personnage féérique destiné à se transformer en rivière. On doute fort que le metteur en scène Boris Pokrovski, connu comme un pionnier de l'interprétation psychologique, soit responsable de ce décalage expressif.

Passons sur un Roi sensiblement brouillon – Boris Morozov –, un Viking qui écrase son larynx – Alexander Ognivtsev –, un Indien au timbre terne et à la phrase pas toujours bien menée – Lev Kuznetsov –, car la direction virile et ferme de Yuri Simonov domine, nous offrant un chef dans la grande tradition russe qui fit les Temirkanov, Lazarev ou Sokhiev. Avec lui, l'Orchestre du Bolchoï, d'une belle profondeur, scintille et décoiffe. Oublions enfin ces pèlerins piteux, ces poissons ridicules, car la grande variété des plans donne une vie incroyable à ce qui devient presque du cinéma, nous entraînant rapidement au cœur de la légende.

SM