Chroniques

par laurent bergnach

Mathieu Ferey – Benoît Menut
Joseph-Guy Ropartz

Éditions Papillon (2005) 168 pages
ISBN 2-940310-25-4
biographie de Joseph-Guy Ropartz par Mathieu Ferey et Benoît Menut

De nos jours peu joué au concert, Joseph-Guy Ropartz (1864-1955) semble un petit maître régionaliste appartenant à un autre siècle, alors qu'il s'avère un contemporain d'Hindemith, d'Honegger ou de Messiaen – appréciés car échappant au dodécaphonisme. C'est oublier que le compositeur a payé le prix d'être éloigné de Paris durant de nombreuses années, et qu'il est facile de le reléguer au rang d'élève ou d'imitateur de César Franck, auquel il est très lié. L'homme a laissé plus de trois cents pièces touchant à tous les domaines – six symphonies, six quatuors, près de soixante-dix mélodies, musique pour le piano, pour l'église ou pour la scène, etc. – qui méritent mieux qu'un oubli dédaigneux. Pour l'ambition de la tâche et la qualité du résultat (biographie chronologique, analyse d'œuvres, citations opportunes, etc.), félicitons les auteurs de cette belle biographie, Mathieu Ferey et Benoît Menut.

Ropartz subit les influences des premières années bretonnes, catholiques – malgré une scolarisation austère, il vit douloureusement la laïcisation de l'enseignement – et musicales – son père, librettiste sur plusieurs projets d'opéra, n'est pas hostile à le voir étudier le piano. Boudant les cours de droit, il préfère la lecture des poètes, l'écriture de critiques musicales et de premières compositions marquées par Gounod. En 1884, il échoue à devenir organiste à Saint-Brieuc mais fonde une chorale à Rennes. L'année suivante, il étudie à Paris avec Dubois, Massenet et surtout Franck, lequel trouve plus intéressant d'écrire bien que beaucoup. Mais ce dernier meurt en 1890, et c'est un nouveau deuil pour le jeune homme qui a déjà perdu deux frères aînés (1875 et 1881), son père (1878) et sa mère (1888).

Bientôt chargé de famille (mariage en 1892, sept naissances, de 1893 à 1901), il se résigne à un poste stable de directeur de conservatoire qui le retiendra à Nancy durant près de vingt-cinq ans. Avec énergie, il relève le niveau général, créant de nouvelles classes, encourageant le jeu des contemporains (Magnard, Chausson, etc.) tout en abordant la musique ancienne sur instruments d'époque. Mais ce temps est à retrancher de celui de la création personnelle ; considérant une capitale qui semble ignorer son œuvre et le peu de soutien de son épouse, il parle bientôt d'une « carrière de demi-raté ». Pourtant, comme avec la création du Pays (1912), l'estime de soi renaît régulièrement. L'arrivée de la Première Guerre Mondiale voit l'arrêt des concerts du Conservatoire et l'acceptation de travaux d'édition pour Durand.

Avec la libération de l'Alsace, une nouvelle aventure de dix ans commence à la tête d'un autre Conservatoire, faisant découvrir Ravel aux Strasbourgeois, tout en luttant contre les cabales de nostalgiques germanophiles. Les rares compositions sont alors exclusivement religieuses, mais affichent une sensualité et une évidence nouvelles. Si l'ennui de la retraite lui fait regretter ces années d'activité, un Ropartz plus frivole (et bientôt veuf) voit le jour derrière la façade austère, qui écrit en 1931 : « On peut tout se permettre. Tous les rapprochement de notes, toutes les superpositions sont légitimes si l'expression le veut ainsi ».

LB