Chroniques

par laurent bergnach

Magnus Lindberg
œuvres pour orchestre

1 CD Ondine (2013)
ODE 1175-2
trois œuvres pour orchestre de Magnus Lindberg

Créateur du collectif Korvat auki (Ouvrir les oreilles) en 1977, avec ses compatriotes Kaija Saariaho [lire notre entretien] et Esa-Pekka Salonen, Magnus Lindberg (né en 1958) est, comme eux, un Finlandais bien connu en Europe. Plus jeune, il a sillonné celle-ci, apprenant de maîtres tels Rautavaara, Heininen, Ferneyhough, Lachenmann, Donatoni, Globokar et Grisey. Ses premières œuvres paraissent au début des années quatre-vingt, tantôt marquées par l’influence spectrale, tantôt par un grand déploiement d’énergie – à l’instar du célèbre Kraft, qui « marie Varèse à Stockhausen dans une violente orgie » [lire notre chronique du 22 juin 2012]. La décennie suivante tourne le dos aux assimilations passées (free-jazz, post-punk, etc.) pour privilégier lumière et légèreté, ce que démontre le présent programme, dirigé en partie par le compositeur.

En septembre 2000, à l’Institut Finlandais (Paris), le pianiste Jouko Laivuori crée la version complète de Jubilee I (rebaptisée depuis Piano Jubilees), une pièce ébauchée pour célébrer l’anniversaire de Pierre Boulez, six mois plus tôt, à Londres. Le natif d’Helsinki entrevoit alors les contours d’une version orchestrale sans stricte adaptation note par note, laquelle est donnée pour la première fois le 7 avril 2003, à Paris. Approchant la vingtaine de minutes, Jubilees mise sur le contraste, qu’il soit timbrique ou climatique, d’une petite formation. Ainsi peut-on signaler un cinquième mouvement occupé par un unique octuor à vent et noter l’opposition entre les mouvements II et IV, l’un aux accents un peu grossiers de péplum et l’autre dans l’héritage délicat de Takemitsu.

Lorsqu’il livre son Concerto pour violon (New York, 2006), Lindberg a déjà fait dialoguer l’orchestre avec le piano (1991/1994), le cor (Campana in aria, 1998), le violoncelle (1999) et la clarinette (2002). Pour cette œuvre donnée dans le cadre des célébrations de l’anniversaire de Mozart, notre contemporain a emprunté à ce dernier un instrumentarium typique : deux hautbois, deux bassons, deux cors et les cordes. Trois mouvements s’y enchaînent, sans grands élans romantiques, mais qui offrent à Pekka Kuusisto d’éblouir par la virtuosité et la tonicité de son jeu. On aime aussi toutes sortes de réminiscences assez légères pour n’être pas vraiment identifiables, formant un arrière-plan austro-américain séduisant, sublimé par une prise de son remarquable.

Résidant pour trois saisons au New York Philharmonic (2009-2012), c’est naturellement dans la ville d’Elliott Carter que Lindberg fait créer Souvenir (2010), une quasi-symphonie de chambre de vingt-cinq minutes pour grand ensemble – ici le Tapiola Sinfonietta. L’ouvrage se veut un hommage alléchant à Grisey et à Donatoni, conçu avec la maîtrise d’un quinquagénaire. Mais le melting pot évoqué plus haut délaisse l’aura pour la paillette, gorgé de facilités souvent académiques et d’effets rythmiques empruntés au musical. Triste fin de disque !

LB