Chroniques

par laurent bergnach

Louis-Nicolas Clérambault
cantates

1 CD Alpha (2017)
356
Le ténor Reinoud van Mechelen offre quatre cantates de Clérambault

L’année 1577 voit la naissance des Vingt-quatre violons du Roi, premier orchestre permanent d’Europe, occupé aux divertissements et cérémonies de la cour de France. Presque un siècle plus tard vient au monde Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749), fils de l’un de ses membres qui l’initie au violon et au clavecin [lire notre critique du CD]. L’apprenti musicien commence à composer auprès de Jean-Baptiste Moreau – lequel « aurait fait une plus grande fortune s’il avait su profiter des bontés que le Roi avait pour lui » (Titon du Tillet) –, et aussi à tenir l’orgue, en compagnie d’André Raison dont il devient l’assistant aux Jacobins (rue Saint-Jacques, Paris). Également proche de Guillaume-Gabriel Nivers, organiste et théoricien à qui l’on doit Observations sur le toucher et jeu de l'Orgue et Méthode facile pour apprendre à chanter, Clérambault lui succède à la tribune de l’église Saint-Sulpice, puis comme maître de chant à la Maison royale de Saint-Louis, le célèbre pensionnat de jeunes filles de Saint-Cyr.

De son vivant comme de nos jours, les cantates du Parisien font sa réputation, inspirées des modèles italiens adaptés à l'esprit français. C’est d’ailleurs l’une d’elles, entendue par Louis XIV, qui lui vaut le poste de surintendant de la musique particulière de Madame de Maintenon. On en compte vingt réparties sur cinq livres, et cinq autres isolées – dont Les francs-maçons (1743), rendant compte d’un phénomène naissant dans le pays. Enregistré en mars 2017, en Belgique, ce programme compte quatre cantates précoces, étapes vers le pur style classique des dernières années.

Le jaloux est le tableau d’une passion sans grands développements (Livre I, 1710) : Iris est courtisée par un guerrier, ce qui inquiète fort notre rôle-titre. Pour lui, le retour au combat du rival peut changer les choses… mais dans quel sens ? La contrariété amoureuse est aussi au cœur de Pyrame et Thisbé, tiré des Métamorphoses d’Ovide (Livre II, 1713). Dans cette page aux allures de tragédie lyrique, un simple rendez-vous amoureux, décidé loin de familles rétives, ouvre les portes du tombeau. Paradoxalement, nous quittons l’Antiquité avec Apollon, même si le conducteur des Muses apparaît à un petit berger endormi en bord de Seine (Livre III, 1716). La pièce est un éloge du roi autant que la promesse d’une nation apaisée. Enfin L’amour, guéri par l’amour dépeint Tircis oubliant Climène dans les bras de Philomèle, avec une grande variété d’affects et d’effets (Livre IV, 1720).

Au sein de l’ensemble A nocte temporis qu’il a imaginé, et que forment Anna Besson (flûte), Myriam Rignol (viole de gambe), Benjamin Alard (clavecin) et Emmanuel Resche (violon), Reinoud van Mechelen offre un ténor plein, souple et nuancé qui rend son interprétation glorieuse ou tendre (délicate lamentation dans L’amour, guéri par l’amour). La diction d’époque crée d’abord une distance et gêne la compréhension du texte, alourdi de sons sourds et fermés, mais on s’y habitue rapidement – la musique important plus que les mots dont les auteurs, sauf erreur, ne sont pas cités dans la notice (à moins qu’ils ne soient de Clérambault lui-même). Quant à elle, la prise de son met en valeur l’équilibre instrumentale.

LB