Chroniques

par laurent bergnach

Les aventures du Prince Rama
théâtre musical et dansé de Bali

1 DVD Accords Croisés (2008) + 1 CD
AC 123 24
théâtre musical et dansé de Bali

Neuf mois de travail ont été nécessaires pour mener à son terme une belle aventure artistique et humaine : à Bali, dans le village montagnard de Talepud, la troupe Semara Ulangun rêve d'une tournée à l'étranger, pour y rencontrer les habitants du reste du monde ; à Lyon, en juillet 2007, le Festival des Nuits de Fourvière lui propose d'investir son grand théâtre romain. Spécialiste de Bali, l'artiste-ethnomusicologue Kati Basser est chargée de concocter un spectacle sur mesure, une forme artistique presque entièrement nouvelle sortie du folklore touristique habituel mais contenant une grande part d'éléments traditionnels. Le souci d'échapper aux poncifs conduit à rechercher des éléments peu connus du Ramanaya illustrant des dilemmes éthiques – le choix entre la patrie et l'idéal moral, pour le géant Wibisana – et la mise en valeur de l'idée de karma – par exemple, la fleur de lotus (padma) que dessinent les corps des guerriers du combat final (Kècak).

L'histoire se résume ainsi : à la suite d'un problème de succession au trône, le prince Rama – incarnation du dieu Vishnou (Wisnu) – s'exile en forêt avec son épouse Sita et son demi-frère Laksama-na. Il s'opposera bientôt à Dasamuka, roi des ogres géants raksasa qui va berner le singe-ermite Subali pour lui soutirer son pouvoir d'invulnérabilité avant d'enlever Sita. L'armée des singes se lève alors pour attaquer l'île d'Alengka et délivrer la captive.

C'est le jeune conteur (dalang) Ketut Sariana qui, en retrait devant son micro, prête une voix différente à chacun des personnages et semble les diriger en direct, comme s'ils étaient des marionnettes. Ses interventions sont riches et variées : cris, onomatopées, râles gutturaux, langues anciennes avec les intonations de divers modes poétiques, etc.

Sur scène également, une cinquantaine d'hommes se partagent la danse masquée et les percussions : gongs, carillons, métallophones à lames, tambours, etc. mais surtout un gamelan heptatonique (version moderne unique de l'ancien gamelan de cour Semar Pagulingan saih pitu, inconnue hors de leur village). Contrairement à la coutume, les musiciens sont parfois intégrés à l'action, interprétant des chants classiques ou populaires ou une œuvre originale pour chopes de bambou. Associé à des lumières variées, le contraste des atmosphères sonores permet de toucher plus facilement un public néophyte. Outre des documentaires filmés et un livret instructif, un disque complète ce coffret (mantras, musique processionnelle, de danse, etc.), offrant de retrouver l'ambiance d'un spectacle passionnant et enchanteur.

LB