Chroniques

par laurent bergnach

Leonardo Vinci
Didone abbandonata | Didon abandonnée

2 DVD Dynamic (2017)
37788
Carlo Ipata joue Didone abbandonata (1726), trois actes signés Leonardo Vinci

Attaché à Naples où il étudie la musique avec Gaetano Greco – à l’instar de Porpora, Porsile et Pergolesi –, Leonardo Vinci (1690-1730) commence à se faire connaître avec des ouvrages comiques en dialecte, soit une dizaine conçue en cinq ans, dont La cecato fauzo (1719), Lo Barone di Trocchia (1721) et Li zite 'ngalera (1722). Il aborde ensuite l’opera seria, avec une prédilection pour les livrets de son cadet Métastase (1698-1782). Ces ouvrages se nomment Siroe, re di Persia (Venise, 1726), Catone in Utica (Rome, 1728), La Semiramide riconosciuta, Alessandro nell'Indie, La contesa de’ numi (Rome, 1729) et Artaserse (Rome, 1730).

1724 voit la création napolitaine de Didone abbandonnata. Domenico Sarro en est le musicien aguerri, Pietro Metastasio le librettiste tout novice. Après ce confrère et Porpora (1725), mais avant Galuppi (1741), Hasse (1742) et Jommelli (1747) – pour ne citer que quelques noms parmi une cinquantaine ! –, Vinci s’empare de l’histoire de la reine de Carthage abandonnée par Énée, enrichie par des intrigues sentimentales parallèles : ici, le roi des Maures Jarbe courtise Didon tandis que la sœur de cette dernière, Sélène, n’est pas insensible au départ du Troyen. L’œuvre est créée au Teatro delle Dame (Rome), le 14 janvier 1726.

À l’Opéra de Florence (Maggio Musicale Fiorentino), début 2017 [lire notre chronique du 12 janvier 2017], Deda Cristina Colonna met en scène trois actes où le bonheur du rôle-titre n’est que souvenir. Dépouillée – pour ne pas dire fauchée –, la proposition repose sur quelques marches d’escalier, une statue de sphinge et des voiles tendus qu’animent quelques projections et ombres chinoises (décor de Gabriele Vanzini, lumières de Vincenzo Raponi). La gestuelle abondante des protagonistes, parfois envahissante, laisse vite deviner la formation de danseuse et chorégraphe de Colonna. Bon, l’intérêt est ailleurs…

Êtres raffinés et sauvages s’affrontent ici au nombre de six (costumes de Monica Iacuzzo). Dans le rôle-titre, Roberta Mameli séduit par un soprano brillant et agile, tandis que Gabriella Costa (Selene), dans la même tessiture, régale l’oreille par sa précision ornementale. Sans surprise, les rôles travestis sont incarnés par deux mezzo-soprani : Marta Pluda (Araspe), qui se joue des modulations les plus difficiles, et Giada Frasconi (Osmida), aux vocalises fermes et faciles. Carlo Allemano (Enea), au ténor ample et sûr, a pour rival amoureux Raffaelle Pé (Iarba), un contre-ténor remarquable d’endurance.

Vantant l’intérêt porté aux émotions des personnages, grâce à moult récitatifs accompagnés, le musicologue Charles Burney écrit en 1770 : « Vinci semble avoir été le premier compositeur d’opéra qui, sans dégrader son art, en a fait l’ami, mais non l’esclave, de la poésie en simplifiant et en polissant la mélodie, en attirant l’attention des auditeurs principalement sur la partie vocale, qu’il a désenchevêtré de la fugue, de la complication ». À la tête de l’Orchestre del Maggio Musicale Fiorentino, aux cordes perfectibles, Carlo Ipata offre une direction pleine d’allant, souple et légère.

LB