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La note
un portrait de Rudolf Barchaï
Né le 28 septembre 1924 à Lobinskaïa (Russie), le chef d’orchestre Rudolf Barchaï compte parmi les plus grands musiciens du XXe siècle. Sa formation commence au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, auprès de Lev Zeitlin (violon), Vadim Borissovski (alto) et Ilya Musin (direction). En 1945, avec Mstislav Rostropovitch au violoncelle (pour quelques semaines seulement), Rostislav Dubinsky et Nina Barchaï aux premier et second violons, il fonde le Quatuor Philharmonique du Conservatoire de Moscou ; celui-ci deviendrait le Borodine, aujourd’hui encore le plus ancien quatuor à cordes en activité.
Moins de dix ans plus tard, l’altiste quitte ses camarades pour une autre création : celle de l'Orchestre de chambre de Moscou (1955) dont l'excellent niveau lui assure une renommée internationale. En 1977, contrarié dans ses choix musicaux, il quitte le pays natal pour Israël dont il dirige l’Orchestre de chambre national jusqu’en 1982, puis part en Angleterre où on le retrouve à la tête de l’Orchestre symphonique de Bournemouth (Poole, comté du Dorset), pendant six ans. Il s’installe enfin en Suisse, près de Bâle, où il décède le 2 novembre 2010.
C’est dans son chalet de Liestal, quelques semaines avant sa disparition, qu’Oleg Dorman a rencontré le musicien, enregistrant une soixantaine d’heures de conversation, en dix jours à peine, dont ce reportage d’une heure trente est la quintessence. « Barchaï, dit-il, qui était très fragile et en fin de vie, ne se préoccupait guère de son état de santé. C’était plutôt le contraire, il nous faisait don de l’espoir ». Preuve en est que l’ami de Chostakovitch occupe ses tout derniers moments à compléter Die Kunste der Fuge !
Rythmé par paysages, portraits et pochettes de disques, La note est un monologue émouvant sur une vie, une époque et une approche de la musique. Barchaï évoque tour à tour parents et compagnes (Nina, Anna, Teruko, Elena), professeurs respectés (Zetlin, Lokchine) et confrères appréciés (Richter, Oïstrakh). Il parle de la guerre et de l’exil, mais surtout de son affection artistique pour Chostakovitch, Prokofiev et Beethoven (dont la Sonate « Clair de lune » peupla de musique son sommeil d’enfant).
Interdit en URSS comme Schönberg et Hindemith, Mahler est aussi précieux pour l’artiste qui achève une version de la Dixième symphonie – une de ses grandes fiertés. Le musicologue Deryck Cooke (1919-1976) a aussi tenté l’expérience, ici fustigé pour ses aberrations. Fil rouge du reportage, ce travail nous mène de la copie de la partition originale, en possession d’un élève danois de Berg (« Je me suis mis à genoux devant lui et je l’ai supplié de me confier le manuscrit pendant quelques heures […] »), à la découverte du ré bémol qui couronne l’œuvre d’une vie.
LB