Chroniques

par laurent bergnach

Kurt Weill
Symphonie n°2 – chansons

1 CD Atma Classique (2005)
ACD2 2324

Œuvres à part entière ou tirées de ses quelques vingt-cinq opéras, opérettes, comédies musicales et ballets chantés, les inoubliables ballades de Kurt Weill ont acquis une renommée universelle. Un jour, Mackie Messer devient un standard du jazz ; un autre, Surabaya Johnny subjugue les cabarets... L'apparente simplicité des airs fait souvent oublier la grande science musicale d'un compositeur qui, très tôt, profite des leçons d'un père cantor à la synagogue de Dessau et de sorties à l'opéra. Dès l'âge de douze ans, il compose ses premières mélodies et entre au Conservatoire de Berlin six années plus tard. Il y étudie la composition avec Humperdinck et Krasselt – l’enseignant un jour à son tour, lors de leçons privées. Il gagne ensuite sa vie comme pianiste, arrangeur dans des cabarets berlinois, puis directeur musical dans divers théâtres. Ses pièces portent alors la trace des influences de Mahler, Schönberg et Busoni.

En Bertolt Brecht rencontré en 1927, il trouve un frère d'armes : le théâtre engagé et didactique du dramaturge rejoint les préoccupations philosophiques et sociales du musicien. Tous deux, ils joueront de la distanciation dans leurs premières collaborations – Mahagonny (1927, bientôt révisé et augmenté en 1930), Die Dreigroschenoper (1928), Der Flug der Lindberghs, Happy End (1929), etc. Le tango, le fox-trot, le charleston et d'autres musiques d'essence populaire nourriront les chansons douces-amères du duo de créateurs.

Reconnaissant qu'elle n'a pas la technique d'une chanteuse classique mais sachant que Juliette Gréco, Pauline Julien ou Catherine Sauvage ont chanté Weill avant elle, Diane Dufresne – éternelle Stella Spotlight de l'opéra-rock Starmania – a relevé le défi de graver ce qui devait n'être qu'un concert sans lendemain. « J'ai imaginé une trame, comme pour un mini-opéra, qui unit les personnages des chansons. » Les arrangements de Simon Leclerc ajoutent à l'unité de ces portraits de filles du bord de mer, chantés en français, et avec une sobriété inattendue.

À Paris, en 1933, alors qu'il vient de fuir l'Allemagne nazie en 1933 – et avant l'installation définitive à New York en 1935 –, Brecht écrit Les Sept Péchés capitaux, le ballet chanté qui marque l'éloignement avec Brecht, et la Symphonie n°2. Unique œuvre symphonique de la maturité, faisant suite à la première expérience de 1921 [lire notre critique du CD], cette commande de la Princesse de Polignac se découpe en trois plutôt qu'en quatre mouvements, assez proche encore une fois de Mahler et de Chostakovitch, de par des ambiances mystérieuses et des rythmes de marches assez ironiques. À la tête de l'Orchestre Métropolitain du Grand Montréal, Yannick Nézet-Séguin en livre une battue lyrique et tendue.

LB