Chroniques

par hervé könig

Kazushi Ono et l’Orchestre Symphonique de La Monnaie
Benjamin – Rihm – Turnage

1 CD Warner Classics (2005)
2564 60244-2
Kazushi Ono joue Benjamin, Rihm et Turnage

Voici un fort beau témoignage des activités créatrices de l'Orchestre Symphonique de La Monnaie, une formation qui ne se contente pas d'assurer les représentations de la maison bruxelloises, mais accorde, au sein d'une programmation saisonnière de concerts, une certaine place à la musique de notre temps, notamment en participant activement au festival Ars Musica. Les enregistrements que ce disque propose ont tous été captés au Palais des Beaux Arts de la capitale belge, durant les éditions 2003 et 2004 du festival ; il s'agit donc de live.

Kazushi Ono sait révéler ici les qualités bien différentes des pièces jouées, commençant par les trois Etudes and Elegies du britannique Mark-Anthony Turnage (né en 1960) dont l'opéra Greek – créé à Munich il y a une quinzaine d'années grâce à l'aide de Hans Werner Henze, et que le public parisien a pu voir il y a six ans – avait beaucoup fait parler. Les trois mouvements gravés ici accusent des influences diverses, le jazz et Miles Davis semblant les plus évidentes. Mais à les écouter d'un peu plus près, on y entendra également Gershwin, Stravinsky et Varèse (Uninterrupted Sorrow), sans oublier Britten et Barber (A Quiet Life). La richesse de couleurs et la sensualité avec lesquelles Ono les fait sonner contribue fortement à l'intérêt tout relatif qu'on pourra leur trouver.

Puis le trombone alto de Michael Svoboda vient magnifiquement lier les deux ensembles orchestraux de Canzona per Sonare « Über die Linie » V écrite il y a trois ans par Wolfgang Rihm (né en 1952). Si l'on y rencontre quelques inspirations wagnériennes, elles sont subtilement transformées, l'œuvre laissant poindre la personnalité omniprésente du compositeur. Vingt-cinq ans plus tôt, l'Allemand rédigeait Cuts and Dissolves, neuf courtes pièces volontiers expressionnistes évoquant les procédés de coupures et fondus du cinéma. On appréciera tout particulièrement la précision de l'orchestre, dans une lecture souvent tendu qui s'engage parfois dans un climat dramatique.

Écrit en vue de célébrer les cinquante ans d’Oliver Knussen, Olicantus (2002) pour quinze musiciens affirme une nouvelle fois l'extrême raffinement du travail de George Benjamin (né la même année que Turnage, et Britannique lui aussi), en à peine trois minutes durant lesquelles les mélismes de la clarinette et de la flûte semblent suspendre leur temps à un calme vertige.

HK