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Chroniques
Jules Massenet
Thérèse
Parmi les vingt-cinq opéras que laisse à la postérité Jules Massenet (1842-1912), plus de la moitié porte le nom d’une femme – « la raison de toutes choses et la meilleure beauté qui illumine notre existence » (Le Figaro, 1906) –, au point que l’on pourrait penser que tous ces ouvrages sont du même moule. Or, le musicien n’a de cesse de se renouveler, comme il le confie au journal Le Temps, en 1896 : « Je m’arrache à un milieu et me plonge aussitôt en un milieu opposé, pour changer le cours de mes idées. C’est le meilleur moyen d’éviter la monotonie ». Ainsi, sans même parler de sa veine religieuse – songeons à la récente captation de La Terre Promise [lire notre critique du DVD] –, son catalogue fait-il se succéder opéra-comique (La grand’tante, 1867), opéra romanesque (Esclarmonde, 1889), comédie lyrique (Thaïs, 1894), épisode lyrique (La Navarraise, 1894), pièce lyrique (Sapho, 1897), conte de fées (Cendrillon, 1899), conte lyrique (Grisélidis, 1901), etc., qui se différencient les uns des autres par l’usage du pastiche musical, en adéquation avec la période historique abordée.
Pour sa part, conçu à partir d’un livret de Jules Claretie,Thérèse est un drame musical en deux actes se déroulant sous la Terreur, auquel le compositeur consacre une année à partir de l’été 1905. Il est créé à Monte-Carlo le 7 février 1907 – comme avant lui Le jongleur de Notre-Dame (1902) et Chérubin (1905). Le sujet est assurément dans l’air du temps puisque que Giordano, avec le « révolutionnaire » Andrea Chénier (1896) [lire notre critique du CD], aura ouvert la voie à Benjamin Godard (La vivandière, 1895), Gabriel Pierné (Vendée !, 1897), Alexandre Georges (Charlotte Corday, 1901), Fernand Le Borne (Les Girondins, 1905) et Félix Fourdrain (Madame Roland, 1913).
L’action débute en octobre 1792 à Clagny, près de Versailles. Membre des Girondins, André Thorel vient d’acheter le château de son ami d’enfance le marquis Armand de Clerval, afin de le préserver du pillage et le lui rendre quand la guerre civile sera finie. Mettant fin à son exil pour aller se battre en Vendée, Armand revient au château et retrouve Thérèse Thorel, la femme de son ami, sa maîtresse en d’autres temps. Finalement, il accepte d’être caché par le couple jusque dans l’appartement parisien qu’il occupe en juin 1793. Dans la capitale, la foule sanguinaire est en éveil. Lorsque Thérèse se décide enfin à suivre Armand hors de France, elle découvre la charrette sur laquelle André est conduit à l’échafaud. Le devoir et la fidélité l’emportant sur la passion, Thérèse se condamne en criant : « Vive le roi ! ».
Grâce à l’initiative du Palazzetto Bru Zane (Centre de musique romantique française de Venise), cet enregistrement rend compte d’une version de concert donnée le 21 juillet dernier au Corum, dans le cadre du Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon. L’art pompier de Massenet laisse affleurer quelques îlots chambristes plutôt attachants, que sublime la délicatesse d’Alain Altinoglu. Manquant sérieusement de corps, voire exsangue, Nora Gubisch (Thérèse) déçoit ici, entre le vaillant Charles Castronovo (Vincent prometteur dans Mireille [lire notre critique du DVD], aujourd’hui Armand de Clerval) et Étienne Dupuis (André Thorel) attaché à nuancer.
LB