Chroniques

par hervé könig

Joseph Jongen
Quatuor avec piano Op.23 – Trio Op.30

1 CD Cypres (2003)
CYP 1638
Joseph Jongen | Quatuor Op.23 – Trio Op.30

En cette année qui marque le cinquantenaire de la mort du compositeur belge, le label Cypres poursuit l'enregistrement des œuvres de Joseph Jongen (1873-1953). Le Quatuor en mi bémol Op.23, pour piano, violon, alto et violoncelle, s’avère une étape importante de la carrière de Jongen. Après Brahms, Bruch ou Strauss qui ont marqué ses années de formation, c'est vers les compositeurs français (Franck, Chausson, etc.) qu'il se tourne au seuil de la trentaine. Dans les puissants unissons de cordes, dans la symbolique tonale de cette œuvre, on retrouve facilement l'héritage des uns et des autres.

Le quatuor commence sombrement, par un largo désolé, suivi d'un scherzo en forme de danse capricieuse. Le troisième mouvement, pas trop lent, reviendra aux deux thèmes du début mais en les transformant. Le final, assez animé, quitte définitivement les ombres pour rejoindre la lumière. Dédiée à Vincent d'Indy, l’œuvre fut créée le 27 novembre 1902 à Bruxelles, avec le compositeur au piano, Émile Chaumont au violon et deux membres du quatuor Ysaÿe, Léon Van Hout (alto) et Joseph Jacob (violoncelle). Au disque, ce sont les musiciens de l'Ensemble Joseph Jongen, composé de Diane Andersen au piano,Eliot Lawson au violon, Jacques Dupriez à l'alto et de Mark Drobinsky au violoncelle, qui en donnent une lecture fluide aux accents volontiers dramatiques.

Le Trio Op.30, commencé en 1906, regroupe des instruments rarement réunis à l'époque : le piano, le violon et l'alto, qui suscitait alors peu de curiosité. La forme y est plus libre que dans une sonate habituelle et la partie piano y est exigeante tout comme les deux parties de cordes (modulations incessantes, intervalles augmentés...). La première eut lieu à Bruxelles le 11 mars 1907, dans une école de musique privée. Émile Chaumont et Oscar Englebert qui accompagnaient Jongen en sont les dédicataires. C'est Debussy et Fauré que l'on entend ici, plus que leurs aînés déjà mentionnés. Indéniablement, cette musique est inquiète, et les interprètes savent faire chatoyer les timbres dans une atmosphère à la fois sensuelle et un brin pleureuse.

Ce disque permettra d'approfondir avantageusement trois autres parutions chez Cypres : la musique de chambre pour flûte, harpe et cordes par l'ensemble Arpae, le Concerto pour violoncelle par l'ONB (avec Fantaisie sur deux Noëls populaires Wallons et Impressions d'Ardennes), et les mélodies avec orchestre présentées dernièrement [lire notre critique du CD].

HK