Chroniques

par pierre-jean tribot

Joseph Haydn
sonates pour pianoforte

1 CD Ambroisie (2005)
AMB 9975
Joseph Haydn | sonates pour pianoforte

Dès l'avant-dernière décennie du XVIIIe siècle, le pianoforte s'introduit progressivement sur la scène musicale et les différents facteurs se doivent de répondre aux exigences des musiciens qui réclament ce nouvel instrument, aux nuances et à la musicalité plus expressive. Ainsi le Français Pascal Joseph Taskin (1723-1793), « facteur de clavecin du Roi, élève et successeur de M. Blanchet », se lance dès 1776 dans la réalisation de pianofortes. Grand virtuose de son art, il se permet des innovations techniques, notamment l'introduction d'un système de crochets mobiles qui remplace les chevilles du clavecin et améliore l'accord.

C'est un instrument de cet artisan, dépôt du Musée du Louvre au Musée de la Musique, qu'a choisi Jérôme Hantaï pour cet enregistrement de Six sonates pour pianoforte de Joseph Haydn – n°11 Hob.XVI.2, n°20 Hob.XVI.18, n°31 op.54 n°3 Hob.XVI.46, n°32 Op.54 n°1 Hob.XVI.44, n°40 Op.13 n°5 Hob.XVI.25 et n°43 Op.14 n°2 Hob.XVI.28. Dans un intéressant texte rédigé pour la pochette de présentation, l'artiste s'explique sur le choix de l'instrument et il espère que « la poésie toute particulière de son timbre unique fera vite oublier quelques bruits de mécaniques et défauts d'étouffoirs dus à son grand âge ». Certes, il faut surmonter ce handicap, mais la qualité de la prise de son et le doigté de l'artiste nous y aident amplement.

Jérôme Hantaï, qui a déjà abordé l'œuvre de Haydn au disque avec un bel enregistrement de quelques Trios avec clavier (chez Naïve), frappe l'auditeur par la rigueur de son approche. Il nous livre un Haydn tendu, à mille lieues de l'image d'Épinal d'un compositeur au style élégant mais ampoulé ; les différents mouvements sont ainsi contrastés à souhait. La composition des pièces s'étend de 1750 à 1776 ; on y observe l'évolution du style du créateur à travers la solidité de la construction. Le jeu de Jérôme Hantaï est au-dessus de tout soupçon, et surmonte les difficultés pour rendre à merveille l'esprit de ces créations.

Si, dans l'absolu, ce disque doit s'incliner devant l'intégrale réalisée par le Néerlandais Ronald Brautigam pour le label scandinave Bis, cet ensemble de partitions compose un album de très haut niveau au service d'un compositeur particulièrement heureux ces derniers temps avec les Symphonies parisiennes de Nikolaus Harnoncourt (DHM), La Création d'Andreas Spering (Naxos) et les Concerti pour clavier de Ronald Brautigam (Bis). Au fil des parutions, les disques Ambroisie, avec des digipacks soignés et des livrets de présentation exhaustifs, s'imposent au sommet de la production discographique française.

PJT