Chroniques

par laurent bergnach

Josef Schelb
pièces avec clarinette

1 CD Toccata Classics (2017)
TOCC 0358
Busch Kollegium Karlsruhe joue le méconnu Josef Schelb (1894-1977)

Bien qu’Allemand de naissance, c’est en Suisse que Josef Schelb (1894-1977) approche sérieusement la musique : à Bâle, tout d’abord, avec le compositeur Hans Huber, puis à Genève, avec Otto Barblan (contrepoint) et Bernhard Stavenhagen (piano), un ancien élève de Liszt par ailleurs chef d’orchestre éclectique (Balakirev, Debussy, Pfitzner, Schönberg, etc.). Avant même la fin de la Première Guerre mondiale, échappant au front, Schelb enseigne à son tour – Freiburg (1914-1922) puis Karlsruhe où il s’installe (1924-1958) –, se produit en concert et commence à composer.

S’il affectionne les mélodies du fait d’avoir épousé le soprano Lotte Schuler, c’est sans négliger les principaux genres musicaux (opéras, ballets, symphonies, concertos, cantates, etc.), dans un langage lui aussi varié (impressionnisme, expressionisme, dodécaphonisme, atonalité, etc.). Cependant, nombre de ses travaux de jeunesse n’ont pas survécu au bombardement de sa ville d’adoption, le 2 septembre 1942. Des cent cinquante opus demeurant au catalogue, le présent programme permet d’entendre la musique de chambre avec clarinette, soient quatre pièces écrites entre 1947 et 1965.

« Redécouverte majeure », selon Hartmut Becker qui signe la notice incluse, la Sonate pour clarinette et piano (1947) s’inscrit à première vue dans les pas de Brahms, Reger et Saint-Saëns. Mais le maître du contrepoint qu’est Schelb s’inspire d’une modernité incarnée par Milhaud, Honegger, Weill aussi, et surtout d’Hindemith (fugue fragmentée, etc.). Une prise de son soignée sublime cette pièce dont l’énergie générale est défendue avec fluidité par Bettina Beigelbeck et Manfred Kratzer.

Mozart, Haydn, Reicha, Brahms et Reger ont donné ses lettres de noblesse au quintette à cordes avec clarinette. Rappelant Berg dès ses premières mesures, celui de Schelb (1954) comporte trois mouvements que jouent magnifiquement la clarinettiste entourée de Yasushi et Ayu Ideue (violons), Wolfgang Wahl (alto) et Bernhard Lörcher (violoncelle), tous membres du Busch Kollegium Karlsruhe.

À dix ans d’intervalle, deux Quatuor pour clarinette, alto, violoncelle et piano voient le jour. Le plus ancien (1955) contraste avec ce qui vient d’être entendu, ouvert par un Allegro aéré et lumineux, enjoué aussi, à la manière d’un Stravinsky. Après un Lento somme toute volubile, le Presto semble goguenard. Hindemith réapparaît dans l’Allego non tanto, dont l’introduction farouche sème la graine d’une tension récurrente. Le plus récent (1965), lui aussi, offre quelques touches de fraîcheur dans un climat fébrile et nerveux.

LB