Chroniques

par bertrand bolognesi

Johann Adolf Hasse
Serpentes ignei in deserto

1 CD Ambronay Éditions (2006)
AMY 005
Johann Adolf Hasse | Serpentes ignei in deserto

Le tout jeune label du Festival d'Ambronay continue d'abreuver le mélomane de petits bijoux, avec ce témoignage d'un concert donné en l'Abbatiale en septembre 2005, consacré à ce qui, aujourd'hui, fera figure de rareté, soit l'oratorio Serpentes ignei in deserto, ou encore Les serpents de feu dans le désert, écrit à la fin des années 1730 par Johann Adolf Hasse pour les élèves de l'Ospedale delle Mendicati de Venise.

Né dans une famille de musicien en 1699, Hasse commence d'abord une carrière de chanteur, et très vite fait représenter à Brunswick un premier opéra : Antioco. Un an plus tard, suivant l'exemple de son aîné Händel, il part pour l'Italie, étudie auprès de Scarlatti, livrant pour Rome, Venise, Turin et principalement Naples où il séjourne, rien moins qu'une quinzaine d'ouvrages lyriques en huit ans. Sa musique convaincra la Saxe en 1731 avec la création à Dresde de sa Cleofide qui lui vaudra d'être nommé Maître de Chapelle à la Cour, poste qu'il assumera de 1733 à 1762, tout en continuant d'écrire pour l'opéra, faisant jouer plus de quarante œuvres à Bologne, Hubertsbourg, Londres, Naples, Pesaro, Varsovie, Venise, Vienne et Dresde. Le successeur de Frédéric Auguste II de Saxe, soucieux de limiter les dépenses de la cour, démit le compositeur de sa charge en 1762, date de son installation à Vienne où il vivra encore vingt-et-un ans qui lui permettront de produire six nouveaux opéras donnés sur place, mais aussi à Innsbruck ou Milan.

Cet automne-là, on notait déjà le bel équilibre vocal de cette restitution que l'on doit à Jérôme Correas qui, à la tête de ses Paladins, en donnait une interprétation à la fois délicate, recueillie et expressive, n'hésitant pas à affirmer les caractères souvent contrastés de cette partition [lire notre chronique du 18 septembre 2005].

Stéphanie d'Oustrac offre aux rôles d'Eliab et de Nathanael une avantageuse rondeur de timbre, parfois en dépit de la précision dictionelle, dans un phrasé toujours nourri. Dans les airs, le chant s'affirme facile mais un rien esbroufeur. Le Josue d'Isabelle Poulenard est minutieusement nuancé, volontiers gracieux, parfaitement agile et joliment orné, le timbre se mariant sans question à celui d'Eleazar en un duetto convaincant. Eleazar est ici le toujours très musicien Robert Expert qui offre une couleur idéale à l'air Dolore pleni (plage 13) qui fait se rencontrer d'étranges réminiscences baroques à de déroutantes prémonitions classiques. On retrouve Valérie Gabail [lire notre entretien d’octobre 2006] en virtuose Angelus dont on saluera la véhémence, la précision, la souplesse et la clarté. Enfin, le contralto Annette Markert campe un Moïse chaudement coloré possédant l'autorité qu'on attend, soutenue par une pâte bien ancrée dans le grave et d'une remarquable égalité.

BB