Chroniques

par laurent bergnach

Jean-Philippe Rameau
Zoroastre

2 DVD Opus Arte (2007)
OA 0973 D
production de Zoroastre enregistrée au Théâtre du Château de Drottningholm

Rendant hommage à la complexité et à la multiplicité de Rameau, Christophe Rousset s'interroge : « quel compositeur suscita davantage la polémique, fut autant joué et parodié de son vivant, écrivit autant d'articles et d'ouvrages théoriques, acquit enfin semblable réputation de théoricien et d'homme de science, au point de rendre le musicien en lui plus difficile d'accès ? » (Actes Sud, 2007). Pourtant, bien qu'ayant dominé la scène française durant plusieurs décennies, ce créateur estimable finit par pénétrer au purgatoire artistique (suite à la querelle des Bouffons, puis à la Révolution française), lequel paraît bien long en comparaison de celui connu par d'autres génies baroques de sa génération, tels Bach, Händel et Scarlatti. En définitive, il faut attendre que John Eliot Gardiner sauve de l'oubli Les Boréades (Aix-en-Provence, 1982) ou les enregistrements de William Christie pour que le public redécouvre des chefs-d'œuvre oubliés.

Zoroastre a beaucoup de points communs avec l'ouvrage précédemment cité, puisqu'ils partagent un même librettiste – Louis de Cahusac (1706-1759) –, un même lieu d'action (le royaume de Bactriane) et des concepts maçonniques similaires. Malgré ses vingt-cinq représentations, la première version de l'opéra (1749) ne connaît qu'un faible succès. Celui-ci se mut en triomphe avec le remaniement de la tragédie lyrique originale (1756) qui, tout en traitant de la lutte de la lumière contre les ténèbres, n'évoque ni un mythe antique, ni une épopée médiévale.

C'est dans une production enregistrée au Théâtre du Château de Drottningholm, à l'acoustique porteuse [lire notre chronique du 8 août 2005], que nous retrouvons la passion des deux méchants, Abramane et Erinice, pour les héros solaires Zoroastre et Amélite. Le premier jouit du bel impact d'Evgueni Alexiev, malgré un chant assez brut et à la limite de la fausseté ; Anna-Maria Panzarella incarne la seconde avec un souci d’ornementer et une présence scénique remarquables ; le troisième prend les traits d'Anders Jerker Dahlin, ténor sain et coloré, à la virile douceur et à la diction soignée ; enfin, c'est avec des attaques aiguës douces et précises que l'agile Sine Bundgaard donne vie à la quatrième. Signalons également la vaillance de Markus Schwartz (Narbanor), à l'aise avec la prosodie française, et des choristes dramatiquement impliqués.

Économe de gestes et très concentré à la tête des Talens Lyriques, Christophe Rousset offre un bel écrin à ces voix, à l'instar de Pierre Audi et du chorégraphe Amir Hosseinpour – lequel fait rimer illustration de l'action et reflet des émotions avec des ballets énergiques et émouvants. Derrière sa caméra, un homme vient malheureusement ébranler tout ce bel édifice : Olivier Simonnet, qui vole acteurs et metteur en scène. Ses prises de vues inénarrables (plongée à la verticale, optique en fond de scène, etc.) et ses effets d'un autre âge (ralenti sur une lettre qui tombe, zoom sur l'apparition d'un couteau, etc.) ne sont rien à côté de ce qu'il abîme de la fluidité du mouvement dansé à force de plans rythmés.

LB