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Chroniques
Jean-Baptiste Lully
Cadmus et Hermione
Créé le 27 avril 1673 au Théâtre du Jeu de Paume du Bel Air, en présence de « Sa Majesté, accompagnée de Monsieur, de Mademoiselle et de Mademoiselle d’Orléans », Cadmus et Hermione inaugure une période d’environ quinze années durant laquelle Jean-Baptiste Lully (1632-1687) va donner à la France ses toutes premières tragédies lyriques en cinq actes. Et parce qu’une union réussie de la musique, de la danse et du théâtre est attendue depuis longtemps hors l’enceinte royale, le succès s’avère immédiat pour cet ouvrage présenté « avec des machines et des décorations surprenantes dont on doit l’invention et la conduite au sieur Vigarani, gentilhomme modénois », et repris régulièrement jusqu’en 1737.
Académicien depuis peu, Philippe Quinault emprunte aux Métamorphoses d’Ovide le sujet du livret. Parti à la recherche de sa sœur Europe, le roi Cadmus se voit contraint de délivrer sa bien-aimée Hermione – fille de Mars et Venus – de l’emprise du géant Draco. Soutenu par Pallas et l’Amour, le héros terrasse tout d’abord un dragon, puis les guerriers nés de ses dents semées sur l’ordre de Mars, et enfin Draco épaulés par d’autres géants. Les deux amants finissent par avoir la bénédiction de l’Olympe.
Si l’héritage grec contribue à séduire le public, il n’en est pas de même des éléments burlesques (nourrice émoustillée, compagnon poltron) trahissant leur influence italienne. Aujourd’hui, cependant, ces scènes piquantes et familières dynamisent une production mise en scène par Benjamin Lazar, chorégraphiée par Gudrun Skamletz, qui souhaite restituer « l’authenticité autant que la vitalité » d’un art naissant. Pour les goûter, il faudra dépasser le découragement lié au prologue de vingt-cinq minutes, hagiographie du Roi Soleil tout en frontalité et langue d’époque, sous des voûtes de nuées.
Plus d’une quinzaine d’excellents chanteurs se partagent de nombreux rôles. Parmi eux, citons André Morsch (Cadmus attachant), Claire Lefilliâtre (Hermione parfois acide), Arnaud Marzorati (Arbas au jeu varié), Isabelle Druet (Charite souple et corsée), Luanda Siqueira (Junon tout en rondeur), Camille Poul (Amour juvénile), Eugénie Warnier (Pallas d’une belle évidence) ou encore Arnaud Richard (Draco vaillant et charismatique). Tout au long du spectacle filmé début 2008 à l’Opéra Comique – où il sera repris du 29 novembre au 5 décembre 2010 –, à la tête du Poème Harmonique, Vincent Dumestre nous régale d’une tendre allégresse, mélange de nuances et d’énergie maîtrisée.
LB