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Chroniques
Imogen Holst
œuvres pour chœur
Ce n’est certes pas avec un enregistrement de 2008, devenu rare, de quelques opus chambristes tenant sur un seul CD que l’on servirait la cause d’Imogen Holst. Pourtant, avant la présente parution, c’est tout ce que le mélomane (aventureux) pouvait se mettre dans l’oreille – chez Court Lane Music : Duo pour alto et piano, Phantasy Quartet, Quintette, Sonate pour violon et violoncelle, Trio à cordes. Il faut dire qu’avec Gustav Holst pour père et pour cadre une société anglaise dont le conservatisme a bien du mal à la considérer pour elle-même, le chemin ne fut guère facile pour la compositrice. Car l’enfant unique née en 1907 écrira sa propre musique, tout en menant une carrière pédagogique et une activité de cheffe de chœur et d’orchestre, figurez-vous ! Elle étudia d’abord sur l’île, puis approfondit son approche musicale en Suisse, avec des musiciens autrichiens et allemands, en pleine guerre (1940). À partir de 1942, elle organisera les concerts du Château de Dartington où elle rencontre le couple Britten-Pears. Le musicien lui commande une œuvre d’après des poèmes de Keats, présentée en 1951 au festival d’Aldeburgh. Elle devient bientôt son assistante, précieuse dans la préparation de l’opéra Gloriana [lire notre chronique du 25 mai 2012], et s’installe définitivement dans cette ville du Suffolk où elle décède en 1984. Ce « grand-jour » de son parcours est discrètement balisé de nombreuses compositions, dont ces pages vocales aujourd’hui livrées à l’écoute grâce à Graham Ross à la tête du Choir of Clare College (Cambridge), aux éditions Harmonia Mundi USA et à la Fondation Holst.
D’emblée la manière de Miss Holst s’impose par le biais d’une expressivité plutôt lyrique sertie dans une relative économie de moyens. Nous découvrons laMesse en la mineurde 1927, conçu dans la classe de Ralph Vaughan Williams au Royal College of Music (Londres). Son Kyrie témoigne d’une connaissance de la musique ancienne transportée dans l’influence des Français du XIXe siècle. La maîtrise de l’écriture chorale est indéniable. Gloria mélancolique, sur un canon pourtant joyeux, Credo grégorien d’une flamboyante inflexion, Sanctus qui exploite un motif descendant omniprésent dans toute la messe, Osanna triomphant, Benedictus fervent, enfin tendre Agnus Dei recueilli : l’excellente du chœur britannique nous enchante.
En 1940, à trente-trois ans, elle s’empare d’un poème du métaphysicien John Donne – comme Britten cinq ans plus tard (Sonnets de John Donne Op.35) – et livre le bref A Hymne to Christ, œuvre d’une délicatesse inouïe, à la gravité sereine qui concentre l’émotion jusqu’à la troublante conviction de Donne : « I may know ». Elle dirige elle-même la création de ses Three Psalms au Wigmore Hall (1943). Cette fois, au chœur se mêle un orchestre à cordes dont la profondeur marque Give ear, O shepherd of Israel, d’une polyphonie plus complexe. L’orchestre est vocal, la traversée des pupitres vocaux se veut dramatique, et magnifique la supplication lancinante du violoncelle. Déception, incompréhension, colère même, contre ce Dieu qui abandonne, puis soumission dont « Nous ne nous éloignerons plus de toi » est la clé. Le climat s’angoisse plus encore pour Be merciful unto me, O God, avec sa vocalité nerveuse, l’urgence du texte, la prière fiévreuse. L’écriture suggère le retour progressif du courage sans que les voix osent y croire vraiment : tout cela est écrit en pleine guerre, ne l’oublions pas. La confiance de He that dwelleth in the secret place of the Most High ressemble à une conversation forcée pour déjouer le sort, tout en piano, où tout se libère peu à peu, jusqu’au somptueux Alleluia.
Une décennie s’écoule et survient le fruit de la commande évoquée plus haut, Welcome Joy and Welcome Sorrow d’après Keats. Le chœur en est exclusivement féminin, soutenu par la harpe. Cette partition en six mouvements brille d’une fraîcheur irrésistible, d’une effervescence ensoleillée, parfois d’une concision digne du haïku (Over the Hill and over the Dale). Dernière page d’Imogen Holst à ce programme, Hallo my fancy, whither wilt thou go ? (1972) illustre les vers du poète-soldat écossais William Cleland (1661-1689) d’une impulsion pétillant, riche, inventive, dans une cordiale proximité avec le texte, traversée de nombreux événements musicaux (les échanges masculin/féminin, par exemple, dessinés en rôles psychologiques, etc.).
L’orchestration de la cantate Rejoice in the Lamb Op.30 de Benjamin Britten, conçue pour chœur et orgue 1943, fut confiée en 1951 à Imogen Holst. Cette version conclut le disque dans une couleur chatoyante. Rejoice in God, O ye Tongues gagne une puissance dans les saveurs percussives qui rehaussent l’escalier envoûtant de l’Alleluia, une clarinette facétieuse orne For I will consider my Cat Jeoffry que ne contredit pas la bonne humeur traverse For the Mouse is a creature of great personal valour, tandis que l’association des bois adjoint un côté accordéon au tendre For the flowers are great blessings. Après For I am under the same accusation with my Saviour, sorte de verset de transition, une nouvelle théâtralité arrive, jusqu’à l’hagiographie des instruments de l’orchestre – à-propos saisissant de For the instruments are by their rhimes, « of course » ! À la belle prestation chorale du Choir of Clare College se marient les talents du Dmitri Ensemble.
AB