Chroniques

par laurent bergnach

Henri Pousseur
pièces pour flûte

1 CD mode (2019)
mode 318
La musique pour flûte(s) d'Henri Pousseur (1929-2009)

Dix ans après la disparition d’Henri Pousseur (1929-2009), le label new-yorkais mode grave quelques-unes des pièces pour flûte du créateur belge, avec la complicité de Roberto Fabbriciani, interprète bien connu qui explore également les possibilités de l’instrument à travers ses propres compositions. Rappelons que la découverte de Schönberg, puis celle de la musique électronique, fut déterminante pour le jeune Pousseur, lequel célèbrerait le centenaire du Viennois à l’aide d’un effectif électro-acoustique dans les trois actes de Die Erprobung des Petrus Hebraïcus (1974). En Europe au lendemain de la guerre, il est aussi une référence dans l’aventure de l’œuvre ouverte.

De 1976 à 1986, Henri Pousseur prend la tête du Conservatoire royal de Liège où il avait suivi les enseignements d’Hermann Barg et de Pierre Froidebise. À ce titre, il écrit pour les concours de l’institution, notamment la série débutant avec Flexions I (1979) que l’on retrouve ici. En compagnie de l’écrivain Miche Butor (1926-2016), déjà complice pour Votre Faust (1961) [lire notre chronique du 25 novembre 2016], Pousseur conçoit La rose des voix (1982), une heure de musique avec récitants et chanteurs. Litanie du miel matinal (1984), pour instrument mélodique indéterminé aigu, et sa transposition grave, Litanie du miel vespéral (1984), sont une variation sur quelques-unes des chansons qu’elle recèle. Un certain gazouillis ludique, incessant voire obsessif, nourrit ces pièces gravées pour la première fois, de même que Vers l’île du Mont Pourpre (1984). Cette dernière pièce offre des moments d’inquiétude, d’indécision et de tristesse qui en font notre préférée du programme acoustique.

Quelque temps après la réalisation de Seismogrammes (1954) à Cologne, dans le studio de Stockhausen, Pousseur conçoit une deuxième pièce électronique, Scambi (1957), cette fois à Milan où il est l’invité de Berio. Les échanges qu’annoncent le titre reposent sur une volonté d’imprévisibilité et d’asymétrie. Touffue mais nuancée, cette page se révèle bavarde, et sans réel pouvoir d’évocation.

Les deux derniers opus à l'affiche témoignent de l’implication créative de Roberto Fabbriciani. Eclipticare ou Les périples constellés (2001) pour un à trois instruments, entourés ou non, chacun, d'un consort, permet à l’Italien d’élaborer deux versions distinctes (trois flûtes / trois flûtes basses). Pour produire des volètements joyeux et soyeux à souhait, il fait « largement appel à des modes de jeu caractéristiques de la flûte contemporaine et que Pousseur avait moins systématiquement exploitées dans ses partitions écrites », comme le rappelle le musicologue Pascal Decroupet (notice du CD).

Pour Zeus joueur de flûtes, célébrant les dix octannies d’Orphée étoilé (2006), le compositeur fournit à l’interprète la bande magnétique d’une des Huit études paraboliques (1972), à savoir Hymne à Zeus ornithologue, ainsi qu’un plan général « indiquant des champs temporels et le choix des flûtes distribuées selon leur tessiture » (ibid.). Fabbriciani prend alors en charge les détails de l’élaboration. Malheureusement, malgré la présence d’Alvise Vidolin à la gestion de l’électronique, nombre de caractéristiques de Scambi rejoignent cette œuvre approchant la demi-heure.

LB