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Chroniques
Hector Berlioz
Mémoires
« On a imprimé, et on imprime encore de temps en temps à mon sujet des notices biographiques si pleines d’inexactitudes et d’erreurs que l’idée m’est venue d’écrire moi-même ce qui, dans ma vie laborieuse et agitée, me paraît susceptible de quelque intérêt pour les amis de l’art. Cette étude rétrospective me fournira en outre l’occasion de donner des notions exactes sur les difficultés que présente, à notre époque, la carrière des compositeurs, et d’offrir à ceux-ci quelques enseignements utiles. »
Quelques années après que fut épuisé un ouvrage contenant des fragments de critique musicale et une partie de ses pérégrinations, Hector Berlioz (1803-1869) entreprend d’écrire ses Mémoires, avec l’ambition – comme le dit clairement un préambule écrit le 21 mars 1848 – de rétablir quelques vérités auprès d’un petit nombre d’artistes et d’amateurs de musique qui s’était montré curieux de son parcours. Une parmi d’autres : ce soir célèbre où Paganini s’agenouilla devant le Français après l’avoir entendu diriger sa musique.
D’un chapitre à l’autre, nous en apprenons beaucoup sur le natif de La Côte-Saint-André et sur son imaginaire, du plus jeune âge jusqu’à l’arrivée à Paris : rêveries devant la mappemonde, lecture de Virgile, amours d’enfance, premières leçons de musique, découverte de Gluck, aversion pour la médecine, désillusions et inimitiés artistiques (Cherubini, Habeneck, Fétis), expérience de critique musical, etc. L’enthousiasme y est modéré par d’épuisants combats pour sa réputation et ses besoins de père de famille.
Jusqu’en janvier 1865, outre les allusions à des maîtres de valeur (Lesueur, Reicha) comme à ses propres travaux, Berlioz confie effectivement ses ressentis d’artiste moqué – voire insulté –, dénonçant préjugés, aberrations et barbarie sociale, de même que ces chefs qui font « d’une idée ingénieuse une chose puérile et vulgaire », les arrangeurs de chefs-d’œuvre « insultés de mille manières, par des gens de rien », « le gros public [souhaitant] de la musique qui berçât », et « les musiciens qui ne comptent pas leurs pauses !!! »
Enfin, reprenant le texte intégral de la seconde édition publiée en 1878 chez Calmann-Lévy, le présent ouvrage retrace les voyages effectués du compositeur en Italie, en Allemagne, en Russie et en Angleterre pour s’y faire connaître. Pour le lecteur, c’est l’occasion de nouvelles rencontres (Mendelssohn, Crispino, Parish-Alvars) et de se réjouir d’anathèmes, de comparaisons douteuses entre usages et mentalités européens. Car jamais Berlioz n'abandonne une insolence qui explique le plaisir pris à dévorer ces pages sans concessions.
« Voilà tout, Madame. Je n’écris plus, je crois vous l’avoir dit, je ne compose plus. Le monde musical de Paris et de bien d’autres lieux, la façon dont les arts sont cultivés, dont les artistes sont protégés, dont les chefs-d’œuvre sont honorés me donnent des nausées ou des accès de fureur. Cela semblerait prouver que je ne suis pas mort encore… »
LB