Chroniques

par laurent bergnach

Giuseppe Verdi
Aida | Aïda

1 DVD EuroArts (2004)
2054059
Giuseppe Verdi | Aida

Commande du khédive d'Égypte pour l'ouverture du Théâtre Italien du Caire, Aida fut créée le 24 novembre 1871 et accueillie avec enthousiasme, comme plus tard à Milan (1872), New York (1873) ou encore Paris (1876). Le livret d'Antonio Ghislanzoni est une traduction en vers du livret écrit par le Français Camille du Locke à partir d'une ébauche d'intrigue conçue par l'égyptologue Auguste Mariette. Si ce dernier participa à la création des décors et des costumes par souci de fidélité historique, on a souvent reproché à l'œuvre moins d'exigence côté scénario… Au temps des pharaons, le général égyptien Radamès dédaigne l'amour d'Amneris, fille du roi, pour la jeune esclave Aïda. Mais si la jeune fille est elle aussi de sang royal, elle appartient au peuple éthiopien, ennemi mortel de son pays qu’il va trahir par amour. Condamné à être enterré vif, Radamès est suivi dans la mort par Aïda.

À moins d'aller voir le travail de Bob Wilson, on attend de l'opéra de Giuseppe Verdi du grand spectacle. Filmée durant l’été 2004, cette production en plein air du Römersteinbruch St. Margarethen ne surprend donc pas, si ce n'est par un niveau de kitsch rarement égalé ! Les chevaux, les chars, les éléphants, les danseuses… tout cela, comme d'habitude, paraît inutile à l'intrigue ; mais même quand le plateau est nu, on continue d'étouffer sous la surcharge de statues et de hiéroglyphes. Est-ce pour passer la rampe : la mise en scène de Robert Herzl est caricaturale (surjeu, gesticulations), grossière (Amneris a des poses de cabaretière) et, comme pour les « lancers de Carmen » déjà dénoncés aux Arènes de Vérone [lire notre critique du DVD], on jette au sol le rôle-titre quasiment à chaque acte.

Le montage du film est vivant, mais sans faire preuve de bon sens : les gros plans captent les figurants distraits, les jambes de la pharaonne, alors qu'un plan d'ensemble nous prive de la réaction des protagonistes lors de l'annonce du mariage. Last but not least, il faut se passer de sous-titres en français si l’on veut tenter l'aventure...

Les chanteurs peinent à susciter l'attention : Kostadin Andreev (Radamès) avec ses passages à l'aigu difficiles, Eszter Sümegi (Aïda) aux tremblements perceptibles, Cornelia Helfricht (Amneris) et Janusz Monarcha (Le Roi) aux voix certes puissantes mais qui commencent à fatiguer. Ce n'est pas franchement plus mauvais qu'ailleurs, mais on ne ressent rien – sauvons cependant la basse Pièr Dalas, qui tient le rôle du Grand Prêtre Ramphis. La faute en est aussi au chef Ernst Märzendorfer, à la battue lourde, à la direction sans âme ni relief. Les cuivres poussifs de la Marcia trionfale sont une catastrophe supplémentaire, alors que ce second acte s'ouvrait par un beau chœur féminin accompagné d'une harpe vigoureuse. On est triste pour ce public bluffé qui applaudit tous les quarts d'heure, et qu'on récompense par un feu d'artifice, juste avant l'entracte !

LB