Chroniques

par samuel moreau

Giuseppe Verdi
I Lombardi alla prima crociata | Les Lombards à la première croisade

1 DVD Warner Vision (2004) zones 2, 3, 4, 5, 6
0927-44927-2
Giuseppe Verdi | I Lombardi alla prima crociata

Faisant suite au succès de Nabucco (1842), la Scala de Milan présente I Lombardi alla prima crociata, le 11 février 1843. Ce quatrième ouvrage lyrique de Verdi – qui le remaniera plusieurs fois, allant jusqu'au changement de titre et de langue pour sa présentation à Paris – confirme la place de l'auteur dans le cœur des Italiens : celui d'un musicien national, porte-drapeau des aspirations à la liberté et à l'unité d'un pays en partie occupé par l'Autriche. Comme ses compatriotes se sont reconnus dans leVa pensiero des esclaves enchaînés, ils vont adopter O Signore, dal tetto natio, faisant de cette quête de pèlerins et de croisés un nouveau succès. Verdi se débarrassera plus tard de ce costume de chantre nationaliste, endossé un peu par hasard, pour s'intéresser, après Ernani (1844), Giovanna d'Arco (1845) ou Attila (1846), à des destins plus individuels.

Cette production de la Scala datant de 1984 n'est pas ce que l'on a fait de pire en matière de mise en scène, mais Gabriele Lavia installe une pesanteur surannée. Sur cette Piazza di Sant'Ambrogio de Milan, dans ce palais de colonnades et de draperies à Antioche, les surcharges décoratives sont fort inutiles et les actions bien rares – mis à part les entrées et sorties du chœur au pas de course… La bataille en ombre chinoise, derrière un immense drapeau de croisés qui emplit le cadre de scène, est quasiment le seul moment esthétique et dynamique de ces deux heures et quart. Et ce ne sont pas des prises de vue soporifiques et des gros plans malvenus (les choristes féminines sous l'armure des soldats) qui vont changer grand'chose. Enfin, il faut trouver le courage d'affronter des sous-titres qui oublient le français – mais le texte sans surprise (« seule la mort nous séparera »…), offrant une métaphore par quart d'heure, se décrypte avec un niveau d'anglais scolaire.

Les voix vont-elles sauver le navire du naufrage ? Passons sur celle, fatiguée, de Laura Bocca (Sofia), sur les aboiements tremblés de Luigi Roni (Pirro), pour tenter de sauver les protagonistes du quatuor principal. Silvano Carroli (Pagano) possède un joli timbre et une vaillance contrôlée ; malheureusement, peu à l'aise dans les arias calmes, il chante de plus en plus faux. En revanche, Carlo Bini (Arvino), avec également un beau timbre mais moins de coffre, est crédible sur la longueur. Ghena Dimitrova (Griselda), monotone et monolithique, offre un legato bien mené mais des aigus souvent tendus, voire sans souplesse. Reste José Carreras (Oronte) : avec une voix énorme, des nuances et une expressivité bienvenues, il demeure l'intérêt principal de ce spectacle. Mais n'oublions pas le chœur, à l'aise dans les passages vifs comme dans les pianissimi !

L’excellent Gianandrea Gavazzeni dirige l'orchestre du théâtre avec un dynamisme parfois proche du pas de charge (fin de la première scène) ou, au contraire, de façon plus posée et recueillie (début de l'Acte IV), jusqu'à une délicatesse infinie lors de l'adieu de Griselda aux Lombards. Quant à l'étonnant trait du violon solo en prélude de la scène 3 du troisième acte, il nous fait quitter l'opéra pour le concert, et son auteur en reçoit une ovation bien méritée.

SM