Chroniques

par anne bluet

Giovanni Legrenzi – Alessandro Poglietti
œuvres variées

1 CD Ricercar (2004)
RIC 236
Giovanni Legrenzi – Alessandro Poglietti | œuvres variées

Le Bergamasque Giovanni Legrenzi (v.1626-1690) était avant tout connu en son temps comme compositeur talentueux d'opéras. On lui doit quelques joyaux d'une remarquable inventivité, tant en ce qui concerne la caractérisation dramatique de la mélodie que l'éclectisme des styles et des sources inspiratrices. Il n'est qu'à citer l'improbable Totila (1677) représenté à Venise, aux fastes un rien mégalomaniaques, mais aussi les plus raisonnables Adone in Cirpo (1676), Il Pausania (1681) ou encore Nino il Gusto (1662), parmi un catalogue d'une vingtaine d'ouvrages. Fort apprécié de son vivant, maître de diverses chapelles prestigieuses, il produisit des recueils de pièces instrumentales très prisés, et bien sûr s'attela à fournir un répertoire renouvelé à l'Église. Ses quelques messes, de nombreux motets, ses vêpres, hymnes et séquences sont d'ailleurs honorés par le disque, et quiconque souhaiterait en savoir plus sur ce compositeur ne se noiera plus dans un désert silencieux. Le manuscrit du Dies Irae, pièce maîtresse du présent disque, fait partie de la collection Sébastien de Brossart, aujourd'hui réunie à la Bibliothèque Nationale de Paris.

Avec une équipe vocale très homogène, où l'on remarquera d'emblée les prestations d’Hervé Lamy (ténor), Job Boswinkel (basse) et Carlos Mena (contre-ténor), le gambiste Philippe Pierlot à la tête du Ricercar Consort signe une interprétation sensible qui se distingue par un recueillement saisissant et jamais contrit, une grande attention à l'équilibre et à l'intelligibilité. C'est une idée tout à fait judicieuse que d'ouvrir ce programme par la Sonata sesta a quatro viole da gamba qui introduit idéalement le climat du Requiem, et dans laquelle on appréciera d'autant plus le talent du consort. De même le Ricercar del secondo tono pour orgue qui le suit constitue-t-il un apaisant postlude ; il s'agit en fait d'une pièce du Toscan Alessandro Poglietti (v. 1618-1683) qui fit une carrière viennoise.

Outre la cinquième Sonata a quatro viole da gamba de Legrenzi, cette livraison propose deux motets d'une fine élégance, Angelorum ad convivia, délicatement chanté par le soprano Suzan Hamilton, et l'émouvant Suspiro Domine toutefois un peu trop théâtralisé par la basse Arnaud Marzorati, par ailleurs irréprochable et efficace.

AB