Chroniques

par michel slama

Gioachino Rossini
Petite messe solennelle – Stabat mater

2 CD Decca (2004)
455 023-2
Gioachino Rossini | Petite messe solennelle – Stabat mater

Nouvelle réédition chez Decca du couplage désormais habituel des deux chefs-d'œuvre de la musique religieuse de Rossini. Déjà ressorti en série économique en 1997, ce double CD, assez disparate, n'a jamais fait l'unanimité.

Si le Stabat Mater, enregistré en 1971, reste une référence dans cette catégorie de prix, il n'en est pas de même de la Petite Messe Solennelle gravée en 1980 par une pléiade de stars qui ont tendance à se croire plus à l'opéra qu'à l'église. L'une des œuvres les plus marquantes des Péchés de Vieillesse du compositeur exige plus de sens religieux que son Stabat Mater, florilège d'airs d'opéras. Rossini avait prévu deux orchestrations, l'une pour piano et harmonium, l'autre pour orchestre. C'est la version intimiste de chambre qui nous est proposée ici et qui n'a rien d'intime, ni de sacrée. Pavarotti comme Raimondi, à la limite de la justesse, sont les caricatures d'eux-mêmes : oubliant la dimension religieuse de la messe et abusant de portamenti et de vibrati, ils semblent chanter un opéra vériste, Raimondi se croyant obligé d'en être le Méphisto... Les femmes, quant à elles, sauvent l'enregistrement. Mirella Freni a encore toute la beauté vocale requise mais, malgré des efforts, parvient mal à nous faire croire qu'elle chante une messe. Lucia Valentini-Terrani, divine mezzo rossinienne trop vite oubliée, est proche de la perfection. Rien à redire du Chœur Polyphonique de la Scala, ni du piano de Leone Maggiera, grand complice des récitals que les jumeaux Freni / Pavarotti aimaient à donner en Italie à cette époque. On regrettera juste que l'harmonium sonne – bizarrement ! – comme un accordéon…

Le Stabat Mater est d'une autre classe. Le même Pavarotti, neuf ans plus tôt, était parfait, avec un Cuius animam idéal et sans concurrent dans la discographie. Il est vraisemblablement mieux maîtrisé par le chef István Kertész. Toute la cohérence d'un plateau de stars internationales réunies artificiellement pour la circonstance, reposait, en effet, sur le grand chef hongrois. En tête, la soprano espagnole, Pilar Lorengar, Traviata inoubliable, possédait alors une voix d'une tendresse et d'une pureté ineffables. Si Pavarotti et Lorengar étaient familiers du répertoire italien, le choix d’YvonneMinton et de Hans Sotin pouvait surprendre. La grande mezzo australienne était alors plus connue pour ses interprétations de Mozart et Strauss, que pour ses affinités avec le répertoire italien, tout comme son collègue allemand, inoubliable basse wagnérienne. Finalement, l'impossible cosmopolite fonctionne à merveille, et on en vient presque à regretter que ces grands artistes n'aient pas plus fréquenté ce répertoire.

Globalement recommandable, donc, surtout dans cette catégorie de prix où seuls Cleobury et Muti, dans le même couplage, peuvent rivaliser (2 CD EMI Double Forte).

MS