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Chroniques
Giacomo Puccini
Il trittico | Le tryptique
Le Trittico de Puccini, composé entre 1916 et 1918, est constitué de trois courts opéras : Il Tabarro, Suor Angelica et Gianni Schicchi. TDK présente ici une production donnée à Modène. L'action du Tabarro (La Houppelande), histoire d'un patron de péniche dont la femme prend amant, se situe à Paris en 1910, celle de Suor Angelica (Sœur Angélique), enfermée dans un couvent après avoir donné naissance à un enfant de l'amour, dans l'Italie du XVIIe siècle, et Gianni Schicchi, comptant un sordide détournement d'héritage, à Florence à la fin du Moyen Âge.
Christina Pezzoli a transposé les deux dernières pièces à l'époque de la première, c'est-à-dire aux alentours de 1910. La mort étant omniprésente dans ces trois actes, la Première Guerre Mondiale qui est alors près d'éclater s'y désigne comme disloquant le monde d'hier, ce que les œuvres écrites juste avant son avènement semblent avoir pressenti. Dès 1904, en lisant la Divine Comédie de Dante, Puccini eut l'idée de son triptyque. Il ne le composa cependant que plus de dix ans après, s'inspirant notamment d'une pièce de Didier Gold, La Houppelande pour la première, et du très célèbre Enfer de Dante pour Gianni Schicchi, avec diverses influences musicales (Wagner, Debussy, Schönberg). Des trois épisodes, le compositeur préférait Suor Angelica. Ces miniatures furent créées à New-York en 1918.
Le décor d'Il Tabarro montre une péniche sous un pont, avec des arbres perdant leurs feuilles, celui de Suor Angelica une abbaye à l'architecture somptueuse, avec de nombreux détails, de la fontaine au parloir. Gianni Schicchi se déroule dans une grande chambre, avec un lit clos et une fenêtre ouverte sur la cité toscane. Les costumes sont également superbes. Les éclairages renforcent efficacement et poétiquement l'atmosphère. Grâce à une direction d'acteurs subtile, l'on ressent la dépression des personnages dans Il Tabarro, le fanatisme religieux dans Suor Angelica, la fin évitant les effets grandiloquents, et le comportement grotesque des Donati dans Gianni Schicchi.
Amarilli Nizza s'en sort bien dans la difficile tâche d'interpréter les trois rôles principaux avec crédibilité. Cependant, son émission vocale est plutôt dure, malgré des aigus parfois lumineux ; elle peine un peu dans Giorgetta, le plus difficile des trois, Angelica et Lauretta lui convenant un peu mieux. Annamaria Chiuri interprète aussi trois femmes importantes : la généreuse Frugola, femme d'un ouvrier, puis la Princesse, épouvantable tante d'Angelica, enfin Zita, la doyenne cupide de Gianni Schicchi ; elle saisit parfaitement les caractéristiques de chacune d'elles et possède une tessiture ample, ainsi qu'un timbre rond et plein, qui lui permettent d'en assumer les difficultés. Rubens Pelizzari est un Luigi introverti, au début, puis passionné. Il réussit à chanter ce rôle de ténor dramatique sans crier, avec une ligne vocale plaisante. Andrea Giovannini est un Rinuccio attachant – autre ténor, plus lyrique –, investi dans son jeu comme vocalement. Alberto Mastromarino, baryton juste et bien placé, exprime bien la souffrance de Michele, le patron de péniche trompé par sa femme, puis joue un Schicchi tout en finesse, sans sombrer dans la caricature. Les seconds rôles sont bien tenus et les chœurs excellents.
Julian Reynolds dirige l'Orchestra della Fondazione Arturo Toscanini ; il a saisi la profondeur musicale de l'ouvrage, y mettant juste assez de sécheresse pour ne pas tomber dans la mièvrerie et, en même temps, le moelleux nécessaire pour en faire ressortir la poésie.
SC