Chroniques

par samuel moreau

Giacomo Puccini
Turandot

1 DVD Arthaus Musik (1994)
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Giacomo Puccini | Turandot

Élève de Ponchielli, héritier de Verdi, curieux de modernité (Stravinsky, Schönberg, Debussy, etc.), Giacomo Puccini (1858-1924) connaît plus d'un succès depuis Le Villi – son tout premier opéra présenté en 1884 – jusqu'à Turandot, malheureusement inachevé. Ce qui sera son ultime sujet mis en musique, le compositeur le découvre grâce à la pièce éponyme de Friedrich Schiller (1802), mais sans doute également grâce à une fable chinoise tragicomique de Carlo Gozzi, datant de 1762 – en définitive, du conte persan d'origine, on pourrait citer plus d'une déclinaison, depuis le Moyen Âge jusqu'au romantisme allemand.

L'écriture débute à l'été 1920, lorsque Puccini reçoit le premier acte rédigé par Giuseppe Adami et Renato Simoni. Le 25 mars 1924, il annonce au second de ses librettistes que l'instrumentation de l'opéra est achevée, à l'exception du duo final – « Il faut que ce soit un grand duo, écrit-il. Ces deux êtres qui se tiennent pour ainsi dire hors du monde sont transformés par l'amour en êtres humains et il faut que cet amour prenne possession de tout le monde ». Le compositeur meurt le 29 novembre, laissant trente-six pages d'esquisses que Franco Alfano, son élève, accepte de revoir. Lors de la première représentation du 26 avril 1926, Arturo Toscanini préfère poser sa baguette après la mort de Liù (« À cet endroit, Giacomo Puccini dut interrompre son travail », etc.) et ce n'est que pour la seconde, sous la direction d'Ettore Panizza, que l'ouvrage est complètement présenté – bien que dans une version abrégée.

Pour cette production de 1994 à l'Opéra de San Francisco, la mise en scène de Peter McClintock semble s'effacer devant les décors de David Hockney. Avec ses couleurs franches et contrastées, le peintre réussit à créer une ambiance de vrai conte fantastique, nous plongeant dans l'imaginaire – évoquons juste ces murailles en perspectives qui donnent une grande profondeur aux rues de cette cité de bande dessinée.

La distribution vocale séduit également, même si le Calaf de Michael Sylvester et la Liù de Lucia Mazzaria déçoivent tout d'abord : doté d'un aigu assez acide, d'un grave bizarrement nasalisé, le ténor gagne en souplesse au cours de la représentation, tandis que le soprano élargit et nuance son chant progressivement, jusqu'à un air final chargé d'une rare émotion. Kevin Langan incarne un Timur efficace. Le Mandarin de Chester Patton possède une couleur chaude, une égalité sur toute la tessiture. Le trio des ministres est équilibré – Theodore Baerg, Dennis Peterson, Craig Estep. Enfin, Turandot presque trop humaine par l'intérêt qu'elle porte d'emblée à son mystérieux prétendant, Eva Marton ne manque ni d'ampleur, ni de plénitude. Ajoutons à cela la direction dynamique de Donald Runnicles, soucieuse des détails (harpes, cuivres, etc.), d'une certaine rigueur (l'attente d'une lune effrayante), et l'on sera convaincu d'avoir ici une version de référence.

SM