Chroniques

par stéphanie cariou

George Crumb – Henry Purcell
songs

1 CD ONYX (2007)
4021
Crumb – Purcell | songs

Le soprano allemand Christine Schäfer propose un récital intéressant. Elle y chante Henry Purcell et George Crumb dont l'œuvre Apparition nomme ce disque. L'un est un compositeur anglais de la période baroque, l'autre un américain d'aujourd'hui. Voici un petit extrait de l'avis de la chanteuse à leur propos :

« Trois siècle séparent George Crumb et Henry Purcell. Cependant il y a un lien direct entre la musique de ces deux compositeurs. Pour commencer, et en dehors de la langue anglaise, leur chant est très mélodieux. Je trouve qu'ils ont tous deux des qualités théâtrales et d'improvisation, et surtout, ils utilisent tous les deux des rythmes libres. Pour moi, il n'y a pas de musique ancienne ou nouvelle. Il est toujours important de trouver des points communs dans l'interprétation d'œuvres de différentes périodes, qu'il s'agisse de musique ancienne ou nouvelle, pour montrer que l'une a permis à l'autre de se développer. Ou alors pour la mener par un nouveau chemin: lorsque vous entendez un son moderne, vous pouvez percevoir différemment les anciens. Pour cette raison, chanter de la musique ancienne accompagnée au piano ne me pose aucun problème ».

Effectivement, l'accompagnement des songs de Purcell au piano ne pose pas vraiment problème à l'auditeur, tant celui d'Eric Schneider est musical, délicat et précis, même si la basse continue n'est pas écrite pour cet instrument et peut sonner un peu étrange. De même, le couplage des œuvres est une bonne idée ; l'on écoute, en effet, chaque musique différemment. De courtes lectures d'extraits des Sonnets de Shakespeare, lus comme une sorte de murmure éraillé, sont intercalées entre les morceaux, dont les thèmes sont notamment la nature et la mort.

De Purcell sont chantés des pages connues, comme Music for a While, le lamento de Didon, ou Sweeter than Roses, mais aussi des pages un peu moins célèbres comme An Epiphalamium ou Celebrate this Festival. Christine Schäfer les aborde avec une belle musicalité et une diction efficace. Le timbre est soyeux et agréable, les aigus faciles quoique parfois un peu voilés, la voix peut manquer de corps par endroit, comme la mort de Didon, pourtant chantée de manière expressive. Elle se montre très à l'aise dans des pièces plus légères, comme If music be the food of love, Ah! How sweet it is to love ou An Epithalamium. D'autres œuvres – comme Sweeter than Roses, From rosy bow'rsn – alternent mélancolie et légèreté, d'autres encore sont plus sombres – Music for a While et Not all my torments. L'artiste saisit toutes ces nuances avec soin.

Né le 24 octobre 1929 à Charleston en Virginie Occidentale, Crumb a d'abord étudié au collège de musique Mason à Charleston, puis à l'Université d'Illinois et à la Hochschule de Berlin avant d'obtenir son diplôme à l'Université du Michigan, en 1958. Il a été influencé par Webern, par Debussy, mais aussi par les musiques traditionnelles, notamment orientales. Il s'est également intéressé à de nouveaux timbres, en amplifiant ceux des instruments traditionnels. Un autre aspect de sa musique est le rituel qui transparaît dans son œuvre Apparition.

Three Early Songs (1947) est la première œuvre vocale de Crumb, écrite sur des textes des deux poètes Robert Southey et Sara Teasdale. L'accompagnement donne l'impression de perles égrenées, et l'atmosphère y est élégiaque et légèrement dépressive. Le temps semble s'y arrêter. Christine Schäfer les interprète avec pudeur. Pour soprano et piano amplifié, Apparition, sur des poèmes de Walt Whitman extraits du recueil When Lilacs Last in the Dooryard Bloom'd, date de 1979. La voix est confrontée à plusieurs difficultés, comme des vocalises ou des onomatopées évoquant des sons de la nature ou des incantations rituelles. Le piano y est préparé ; dans le premier morceau, The Night in Silence under Many a Star, il évoque un sitar. Christine Schäfer surmonte aisément les obstacles de la partition, saisissant avec justesse ses différents climats, dramatiques ou plus légers. Original et bien construit, son récital vaut le détour, et permettra de redécouvrir ou de découvrir des musiques connues ou rares, et toutes passionnantes.

SC