Chroniques

par monique parmentier

Georg Friedrich Händel
Israel in Egypt | Israël en Égypte

1 coffret 2 CD Eloquentia (2010)
EL 1022
Georg Friedrich Händel | Israel in Egypt

L'été dernier, les Rencontres musicales de Vézelay et le chœur Arsys Bourgogne fêtaient leurs dix ans d'existence. Profitant de l'année Händel, ils offraient un cadeau somptueux en interprétant une des œuvres les plus brillantes du chant choral : Israël en Égypte [lire notre chronique du 22 août 2009]. Avec un orchestre plus mature qu'au concert, le Concerto Köln, Pierre Cao et Arsys Bourgogne en gravèrent, pour Eloquentia, une version imposante et flamboyante pouvant quasiment soutenir la comparaison avec celle de Gardiner.

C'est au retour d'une cure effectuée suite à de graves problèmes de santé que Händel composa Israël en Égypte. Chanté en double chœur, cet oratorio ne connu vraiment le succès qu'à l'époque romantique. Car à sa création, en 1739, il heurta les habitudes du public par la quasi absence d'aria pour les solistes et du nombre de chœurs qui le compose, soit vingt-huit. Contrairement à tous les autres oratorios, il doit son livret au compositeur lui-même et non à un librettiste. Händel en trouva les paroles directement dans les Écritures. Composé en deux parties, l'Exode et le Cantique de Moïse, il décrit tout d'abord de manière très figurative les sept plaies d'Égypte qui permettent au peuple d'Israël de quitter ce pays qui les retient en esclavage. Dans la seconde partie, ce peuple une fois libéré célèbre la gloire de son Dieu en commentant les événements.

Très précise, la direction de Pierre Cao souligne les articulations du texte et offre à chanteurs et musiciens un véritable souffle dramatique. Il dispose ici du Concerto Köln, orchestre vif et souple, aux couleurs délicates et chatoyantes. Incisives et mordantes dans le chœur relatant la mort des nouveaux nés, les cordes deviennent douces et tendres dans le duo des soprani. Les trompettes et sacqueboutes sont héroïques et les hautbois divins. Leur justesse et leur brillant s'associe avec noblesse à des timbales triomphales.

Majestueux s'avère le chœur Arsys Bourgogne. Son homogénéité et son phrasé sont admirables, son sens de la rhétorique et son anglais parfaitement maîtrisé font rougeoyer le drame et célèbre avec splendeur la spiritualité de l'œuvre. La violence des contrastes et des affects sont ici soulignés par la qualité de l'ensemble des pupitres. Les soprani affichent une belle luminosité, les basses une profondeur abyssale, tandis qu'altos et ténors jouent des clairs-obscurs comme de la flamme de l'espérance et de l'effroi du doute.

Les cinq solistes réunis ont été parfaitement choisis : complémentaires, leurs timbres permettent aux duos de fonctionner à merveille. L'alto Robin Blaze possède un timbre séraphique jouant d'une certaine ambiguïté diabolique dans l'air Their Land brought forth frogs. Les soprani Julia Doyle et Martene Grimson usent de voix angéliques, légères et brillantes. L'appel de l'une d'entre elles, dans Sing ye to Lord, résonne glorieusement. Les deux basses Peter Harvey et Stephan Mac Leod se révèlent souples et profondes. Au cuivre de l'un répond la densité plus affirmée de l'autre pour laisser voir la puissance de Yaweh. Quant au ténor, James Oxley, on le retrouve aussi convaincant qu'au concert. Sa grande expressivité vocale, son timbre et son phrasé font de lui un véritable acteur tragique.

La prise de son ample et clair et un très beau livret viennent compléter la réussite de cet enregistrement.

MP