Chroniques

par samuel moreau

Franz Schubert
Winterreise

1 DVD TDK (2005)
DVWW-COWINT
Dietrich Fischer-Dieskau à la Sender Freies Berlin

Si Winterreise (Le Voyage d'hiver) fut écrit par Schubert au soir de sa – jeune – vie, Dietrich Fischer-Dieskau n'attendit guère avant d'en donner sa propre interprétation : en 1943, il n'a pas dix-huit ans quand il le présente au public, lors d'un récital interrompu par un bombardement. Cinq ans plus tard, il grave ce cycle de vingt-quatre Lieder pour RIAS, premier d'une longue liste d'enregistrements officiels (studio) ou officieux (versions radiophoniques). Ce précieux document a été réalisé dans les conditions du concert en janvier 1979, pour la chaîne Sender Freies Berlin.

Avec Gute Nacht, nous entrons dans un univers implacable. Après Die Wetterfahne particulièrement habité, Gefrorne Tränen qui permet de mesurer l'espace de la voix, la vaillance et l'expressivité du baryton se révèlent dans Erstarrung – et ce, malgré la cadence infernale du morceau. Der Lindenbaum montre un chanteur concentré, habile sur les passages en voix mixte, à l'aigu velouté mais à la couleur qui se perd sur le grave. Der greise Kopf installe un dénuement qui rendra d'autant plus glaçante l'interprétation de Fischer-Dieskau sur Die Krähe. Un Wegweiser recueilli et désolé marque le début de résignation du narrateur qui, malgré une vaine fanfaronnade – Mut ! – s'éteint dans une grande sobriété. À l’écoute d'une telle prestation, on saisit mieux ce qu'un artiste comme Bo Skovus a puisé dans l'intériorité de ce maître en miniatures.

Gerald Moore, Jörg Demus, Maurizio Pollini, Murray Perahia furent quelques-uns des accompagnateurs du chanteur pour Winterreise. Entre 1975 et 1989, l'Autrichien Alfred Brendel en fit partie. Même si le pianiste force parfois le trait (Im Dorfe) ou livre un jeu de pédales relativement brouillon (Rückblick), ses qualités sont nombreuses : fluidité (Erstarrung), élégance, excellence de l'accentuation (Frühlingstraum), efficacité des détacher-piquer (Auf dem Flusse).

La petite heure de supplément – par malheur sans sous-titres – le montre en répétition avec le baryton, discutant des détails qui donneront son scintillement à un tel joyau lors de sa confrontation avec le public.

SM