Chroniques

par michel slama

Francis Poulenc
pièces pour chœur

1 CD Naxos (2015)
8.572978
L'Elora Festival Singers chante des pièces pour chœur signées Poulenc

Quatre œuvres chorales de Francis Poulenc sont au programme de ce nouvel enregistrement de l’Elora Festival Singers, un chœur de chambre canadien fondé en 1980 par Noel Edison qui le dirige ici. Basé à Toronto, la patrie de Glenn Gould, il aime promouvoir l’image des artistes locaux à travers des enregistrements et des tournées mondiales.

Quatre œuvres pour chœur mixte a cappella nous sont proposées, un menu qui pourrait rebuter le mélomane peu enclin à la redécouverte de cette musique peu fréquentée au concert comme au disque. Pourtant, un certain nombre de pages sont connues du grand public sans qu’il le sache… C’est le cas de la Messe en sol majeur qui annonce le Gloria par ses rythmes novateurs et ensorcelants, et surtout des Quatre motets pour le temps de Noël, la plus tardive des pièces de ce disque. Donnée régulièrement en concert, la première page O magnum mysterium est inspirée du poignant Stabat Mater écrit en 1950.

Les Sept chansons a cappella ouvrent en majesté ce parcours. Henri Sauguet saluait « une pleine réussite technique et l’épanouissement d’une personnalité qui sait unir la grâce enjouée à la tendre mélancolie, aux sourires mêler les soupirs ». Poulenc se fait l’héritier de Janequin et de Ravel. Le poids et la couleur des mots trouvent des équivalences musicales et poétiques rarement aussi parfaites. Pour lui, le chœur offre la même diversité potentielle que l’orchestre.

Suivent la Messe en sol (1937), les intemporels Quatre motets pour un temps de pénitence sur des textes des offices de la Semaine Sainte (1938-1939) et Quatre motets pour le temps de Noël (1952) écrits pendant la composition de Dialogues des Carmélites. L’interprétation des Canadiens touche vraiment au sublime, malgré une prononciation approximative du français dans les Sept chansons. C’est bien dommage pour ces beaux textes puisant chez Paul Éluard et Guillaume Apollinaire, dont on ne capte pas toute l’intelligence [lire notre critique des CD Mauillon et Lefort].

À la différence des opus choraux de Poulenc conçues avec orchestre ou orgue, le chœur ne peut pas se laisser guider par un accompagnement instrumental. La complexité des œuvres présentées sollicite la virtuosité des choristes – changements de mesure, dissonances fréquentes et, surtout, dangereux suraigus très exposés pour les sopranos, à plusieurs reprises (Kyrie et Gloria de la Messe). Les voix sont parfaitement à l’unisson et d’une homogénéité exceptionnelle, révélant toutes les nuances et la sensualité qui résident dans les textes surréalistes et parfois crus d’Éluard (Par une nuit nouvelle) pour les œuvres profanes, et toute la ferveur et le mysticisme dévolus aux sacrées. Le moine prend le pas sur le voyou, à la suite de périodes alternant doute et dévotion, de deuils qui l’éloignent ou le rapprochent de la religion catholique, comme celui de son père ou de son ami le compositeur Pierre-Octave Ferroud [lire notre critique de l’ouvrage d’Hervé Lacombe].

Naîtront du cœur du musicien les Litanies à la Vierge noire (1936), en hommage à la statuette située dans la chapelle de Rocamadour, village du Lot cher à son père, et l’année suivante, cette brève Messe en sol, vingt ans après sa disparition. Le très bel enregistrement de Robert Shaw paru chez Telarc en 1990 et enregistré à Gramat, près de Rocamadour, est le seul concurrent à ce disque. Il n’intégrait que des œuvres spirituelles, dans un programme proposant les Quatre petites prières de Saint François d'Assise à la place des Sept chansons. L’enregistrement des Canadiens apparaît plus attrayant, compte tenu de la richesse et de la diversité qui font l’intérêt des pièces profanes.

MS