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Chroniques
François Couperin
œuvres avec orchestre
Avec Bach, Couperin (1668-1733) apparaît très tôt sur le clavecin de Christophe Rousset, magicien d’un ordre intime immédiatement regardé comme un ami. C’est ce qu'apprend une monographie récente publiée par l’artiste qui ajoute : « je n’ai retrouvé cette impression de l’œuvre écrite pour moi et pour m’être tendrement chuchotée à l’oreille qu’avec Proust et Vermeer » (in François Couperin, Actes Sud/Classica, 2016) [lire notre chronique de l’ouvrage]. Aujourd’hui, l’hommage se poursuit par une gravure à la tête de son orchestre Les Talens lyriques, que nous saluons par une Anaclase! même si une voix introduisant les mouvements des Apothéoses a parfois lassé.
La première des trois pièces au programme est une cantate considérée comme perdue. Écrite vers 1710 sur un texte de François de La Fosse (1654-1728), connue sous le titre d’Ariane abandonnée par un catalogue du marchand Étienne Roger à Amsterdam, elle n’était pas gravée mais disponible en copie sur demande. À l’affût de cette œuvre, Rousset ouvre un manuscrit à la Bibliothèque musicale de Toulouse (cote Cons. 918), lequel renferme des copies de cantates signées (Morin, Bernier, etc.) et d’autres anonymes, parmi lesquelles une Ariane consolée par Bacchus de très bonne facture, pour basse, viole de gambe obligée et basse chiffrée.
Tout rattache cette pièce à Couperin, plutôt qu’à Clérambault ou Jacquet de La Guerre. Outre que le recueil consulté appartenait au comte de Toulouse (1681-1737) – à qui le compositeur enseigna son art et celui du clavecin –, des tics d’écriture sont caractéristiques (chiffrage de la basse continue, retard cadentiel, etc.), de même que des parentés thématiques. Stéphane Degout la livre avec de grandes qualités : diction exemplaire, voix souple, timbre flatteur, aigu facile et grave charnu. Loin d’un baroque maniéré, savourons une articulation instrumentale très fluide, naturelle, à la grâce discrète.
L’essentiel de la musique de Couperin est profane, et ses dieux sont d’illustres aînés. Reconnaissant le droit d’ancienneté d’une musique italienne goûtée à titre personnel depuis une trentaine d’années, le Français écrit Le Parnasse ou L’Apothéose de Corelli (1724), grande sonate en trio qui célèbre Arcangelo (1653-1713). Rappelons que le violoniste et chef italien fut apprécié, malgré peu d’opus, pour ses recherches (ornementation riche, continuo à plusieurs, etc.) par nombre de confrères européens (Bach, Dandrieu, Händel, Muffat, Scarlatti, etc.). Flûtes à bec et hautbois donnent à sept épisodes un relief particulier.
Avec Les Nations (1726), Rousset place parmi les œuvres d’ensemble les plus achevées L’apothéose de Lully (1725) – ou, pour être exact, Concert instrumental sous le titre d’Apothéose composé à la mémoire immortelle de l’incomparable Monsieur de Lully. Une certaine théâtralité s’y révèle, à évoquer la douceur des champs Élysées (plage 7), une amusante frénésie de ragots (11), un enlèvement au Parnasse bien dansant (13), l’amabilité fervente et chafouine des remerciements à Apollon (15), etc. Le cœur de l’œuvre est une étude de caractère où sont réconcilié, « pour faire la perfection de la musique », Corelli et Lully – le tendre et l’altier.
LB