Chroniques

par bertrand bolognesi

Esa-Pekka Salonen et The Los Angeles Philharmonic Orchestra
Claude Debussy | La mer

1 DVD Arthaus Musik (2006)
100 317
Esa-Pekka Salonen et The Los Angeles Philharmonic Orchestra

Quoi de plus stimulant que de rêver la mer au milieu du vignoble bourguignon ? Osera-t-on imaginer Claude Debussy composant Vendanges depuis l'une de ces venteuses plages de Boudin, par exemple ? Comme le dit justement Esa-Pekka Salonen, La Mer est une métaphore, non une description. Après qu'un narrateur ait cité un extrait de la correspondance du compositeur français, qu'un animateur de radio ait introduit le disque compact dans le tiroir magique, on voit le chef finlandais réunir ses effets, quitter sa maison californienne où de douillets petits chaussons attendent sagement le retour des pieds des enfants, entrer dans une voiture avec chauffeur, parcourir Los Angeles en téléphonant à son agent artistique dont le secrétariat a besoin qu'il lui répète son nom – « je suis l'un de vos artistes depuis 1983 », précise-t-il avec un sourire ironique, avant de raccrocher (ce film est tourné en 1997) –, aborder bientôt l'auditorium : voilà pour le générique de ce court reportage coproduit par Spektrum TV, la Télévision Suédoise et Arte.

Comme l'indique le titre – Esa-Pekka Salonen in rehearsal –, ce DVD nous invite à une répétition du Los Angeles Philharmonic Orchestra préparant l'exécution du triptyque de Debussy. Parce qu'il dirige cette formation depuis de nombreuses années, avant même d'en avoir été nommé à la tête en 1992, Salonen peut entrer au cœur du son, maîtriser la couleur et la texture de cette œuvre qui le passionne. Voilà une vingtaine d'années qu'il la joue, ici et là ; les premières fois, il s'évertuait à en révéler la clarté, mais ce n'est plus ce qui l'intéresse aujourd'hui. Maintenant, il s'ingénie plutôt à combiner timbre, mélodie et harmonie en opérant un tri par textures, tout en s'attachant à la fascinante nécessité de la forme. Une nouvelle fois, l'on touche à l'impermanence de l'interprétation : elle change avec le temps, l'âge, les événements, les convictions, la culture, etc. Le chef précise que, selon lui, l'avenir de la musique aura désormais plus à voir avec Debussy, Ravel et Stravinsky qu'avec Schönberg, Berg et Webern.

En le voyant répéter, on comprend comment il prend ses décisions, comment les idées lui viennent en écoutant les musiciens, rebondissant toujours sur le son, en fait. Ces séquences s'accompagnent d'une démonstration détaillée de l'art des textures chez Debussy qu'il nous explique au piano. « Debussy était un excellent orchestrateur, mais il n'était pas parfait. Il fut radical et prit des risques énormes, notamment dans le travail des textures. Si vous recherchez la perfection, Ravel qui, la plupart du temps, jouait la sécurité, avançait prudemment, est votre homme. »

Ce reportage bien filmé d'à peine cinquante-cinq minutes, qui nous plonge au cœur d'une œuvre en alternant les indications données aux musiciens, les explications et les éléments d'analyse qui justifient certains choix interprétatifs, se conclut sur les paroles de Debussy lui-même.

BB