Chroniques

par Laurent Bergnach

Engelbert Humperdinck
Königskinder | Enfants de roi

2 DVD Decca (2012)
074 3438
Engelbert Humperdinck | Königskinder

Il y a un avant et un après Wagner dans la vie d’Engelbert Humperdinck (1854-1921). Après des études relativement traditionnelles suivies aux conservatoires de Cologne et de Munich et auprès de professeurs particuliers grâce à quelques bourses et prix de composition, le natif de Siegburg rencontre à Naples le chantre de la Nouvelle Allemagne. C’est le début d’une étroite et harmonieuse relation de maître à élève, notamment lorsqu’Humperdinck assiste Wagner à Bayreuth dans la préparation de la première de Parsifal (26 juillet 1882). La mort de l’aîné, apprise l’année suivante lors d’un voyage à Paris, brise l’élan du plus jeune non seulement dans un premier temps – « il vient de me laisser inaccompli et, je peux même le dire, orphelin » – mais pour plusieurs années :

« Que suis-je devenu ? Désormais sans force ni inspiration, sans volonté ni capacité d’agir, je vois les journées défiler les unes après les autres. À la maison, je passe le plus clair de mon temps à contempler le papier peint. Si je me mets un jour à composer, c’est pour tout laisser en plan le lendemain. Depuis que Wagner n’est plus là, mon état n’a fait que se dégrader, d’abord physiquement puis intellectuellement ».

La création d’Hänsel und Gretel, singspiel passé d’un usage domestique à sa première représentation publique le 23 décembre 1893 [lire notre critique du DVD], voit renaître le compositeur. Un ami lui commande alors une musique de scène pour le conte Königskinder que sa fille Elsa Bernstein venait d’écrire. Humperdinck se prend au jeu, avec l’idée d’aller plus loin. Il allège le texte et, en 1897, présente son travail comme un « mélodrame en vers » (avec ébauche de Sprechgesang). Bien reçue, l’œuvre est souvent programmée, si bien que le compositeur décide d’y revenir dix ans plus tard et la transforme en opéra-conte. La création new-yorkaise du 28 décembre 1910, deux semaines après La fanciulla del West (Puccini), est également un succès.

Il y a plus d’un an, nous présentions un enregistrement de cette rareté avec Juliane Banse et Klaus Florian Vogt, sous la direction d’Ingo Metzmacher [lire notre critique du CD]. De nouveau présent sur cette production zurichoise de l’automne 2007, le chef dirige un orchestre maison tonique, exhalant les textures soyeuses d’une partition dense. Dans des décors et lumières soignés, la mise en scène de Jens-Daniel Herzog dépayse d’entrée de jeu, et les chanteurs peuvent aisément faire vivre leurs touchants personnages : la souple Isabel Rey (Gardeuse d’oies), le délicat Jonas Kaufmann (Fils de roi), l’ample Liliana Widmer (Sorcière) et le ferme Reinhard Mayr (Bûcheron), principalement.

LB