Chroniques

par bertrand bolognesi

Dmitri Chostakovitch
Леди Макбет Мценского уезда | Lady Macbeth de Mzensk

2 DVD Arthaus Musik (2009)
101 387
Леди Макбет Мценского уезда | Lady Macbeth de Mzensk

De plus en plus présente sur la scène européenne occidentale, la Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch gagne non moins sûrement vos DVDthèques. Aussi, celle du Teatro del Maggio Fiorentino, filmée in loco il y a deux ans, vient-elle avantageusement compléter les collections. Parmi une distribution abondante dont, dans son ensemble, l'auditeur n'aura pas à se plaindre, bien au contraire, l'on comptera l'excellent Vladimir Matorin en Chef de la Police, l'attachante Aksinia de Naná Miriani, le ténor clair et fermement timbré, toujours musical, de Vsevolod Grivnov qui campe un Zinovi dépourvu des ridicules habituels, et la séduisante Sonietchka sans foi ni loi de Natascha Petrinsky au grave provocateur en diable.

Le trio de tête n'est pas en reste : Sergeï Kunaev donne un Sergeï vaillant, à l'aigu fulgurant quoique parfois un peu court, fanfaronnant à merveille lorsqu'il le faut, tant dramatiquement que vocalement ; l'excellent Vladimir Vaneev – récemment entendu dans Khovantchina où il composait un somptueux Dossifeï [lire notre critique du DVD] – met au service de Boris, le père, une voix immense et un grand sens du théâtre, donnant à voir du premier coup d'œil les travers du personnage dont il développera le caractère avec une inventivité remarquable et un chant d'une souple expressivité. Enfin, le rôle-titre était confié aux grands moyens vocaux de Jeanne-Michèle Charbonnet, moyen dont intelligemment elle sait user avec autant de nuance et de muscle que de mesure. Idéalement onctueuse lorsqu'elle s'adresse à son amant, vipérine en donnant la réplique à son mari, tendrement assassine quand vient le temps de disparaître avec sa rivale dans les flots, voilà une Katia magnifiquement investie.

L'on ne saurait en dire autant du Chœur comme de l'Orchestre du Mai Musical Florentin… Une prestation chorale plus qu'approximative, un bon pupitre de bois auquel sont associés des cuivres désastreux et des cordes imprécises – la fugue des noces pourrait bien tailler les oreilles en pointe –, ne rendent guère hommage à la partition. James Conlon ne peut alors tenter un travail du son, s'en tenant à garantir la mise en place de l'accompagnement, même s'il parvient malgré tout à raconter quelque chose.

Avec la complicité de David Borovski pour les costumes et les décors et de Jean Kalman pour les lumières, le metteur en scène russe Lev Dodin signe une production à la fois ingénieuse dans sa scénographie et sensible dans l'usage qu'elle en fait. Imposante palissade de bois animée par une fascinante machine, sorte d'infernal moulin de malheur à broyer le désir, la frustration, la concupiscence, le viol, le meurtre, l'amour et ses intérêts troubles, la désillusion, le désamour et toutes les chienneries possibles où sans espoir se résumeront Eros et Thanatos. Précise, la direction d'acteurs dessine chaque personnage avec une grande pertinence, explorant plus que de coutume les relations entre le père et le fils Izmaïlov.

BB