Chroniques

par samuel moreau

Claudio Monteverdi
Combattimento di Tancredi e Clorinda

1 CD Virgin Classics (2007)
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Claudio Monteverdi | Combattimento di Tancredi e Clorinda

Du temps qu'il était maître de la musique de chambre du duc Vincent Gonzague de Mantoue, Claudio Monteverdi (1567-1643) publia régulièrement ses Livres de madrigaux, dont le Septième, en 1619. Devenu maître de chapelle à la basilique Saint-Marc de Venise (1613), il passa plus de temps à l'élaboration d'œuvres sacrées, et moins à faire ses preuves en éditant. C'est donc bien plus tard, en 1638, que le Huitième Livre vit le jour, intitulé Madragali guerrieri e amorosi, dédié à Ferdinand III – un empereur des Habsbourg lui-même en quête de victoires sur les champs de bataille d'Europe, au cours de la guerre de Trente Ans (1618-1648). La métaphore de la bataille permet à Monteverdi de mettre au point son invention du concitato genere (ou stile concitato), un style agité : la musique y suit le mètre poétique pyrrhique, à l'aide de notes répétées rapides et d'interprètes réalisant une peinture des bruits de batailles, fanfares, galops de chevaux, etc.

Inspiré de Gerusalemme liberata (1581) – le célèbre poème épique du Tasse, traitant des Croisades –, Combattimento di Tancredi e Clorinda raconte l'amour d'un héros chrétien pour une Sarrasine qu'il retrouve sur le champ de bataille. Déguisée en homme, elle n'est pas reconnue par lui, mais blessée mortellement à l'issue d'un combat féroce. Lors de la création, au début 1625 durant le carnaval de Venise, les invités du palais de Girolamo Mocenigo furent surpris de voir arriver deux individus en armures, et un troisième commencer à raconter leur histoire.

Avec une belle vélocité, Rolando Villazón tient ici le rôle de narrateur. Si l'on n'attendait pas dans Monteverdi un chant belcantiste, si le timbre n'est pas toujours flatteur (nasalisation récurrente), on s'habitue rapidement à la présence du ténor mexicain dont les nuances et l'articulation s'avèrent soignées. D'une voix claire, saine et délicate, Tancredi est incarné par Topi Lehtipuu. En revanche, regrettons que Patrizia Ciofi persiste à graver pour la postérité des attaques miaulées, souvent fausses, qui hérissent le poil… des oreilles ! Précisons enfin que quelques duetti et arie complètent ce programme, dont certains empruntés aux contemporains Carlos Milanuzzi et Alessandro Vincenti.

SM