Chroniques

par bertrand bolognesi

Christophe Rousset
Jean-Philippe Rameau

Actes Sud / Classica (2007) 176 pages
ISBN 978-2-7427-7076-2
biographie de Jean-Philippe Rameau par Christophe Rousset

« Reflets d'un goût qui peut aujourd'hui nous paraître incongru, les œuvres lyriques de Rameau exaltent le raffinement, voire la sophistication, le dilettantisme et un certain hédonisme […], la raison des Lumières et les théories de l'esprit encyclopédiste. » Ainsi se trouve ici présenté, au terme d'un texte détaillé, l'œuvre de Jean-Philippe Rameau. Il n'est jamais indifférent qu'un interprète s'attelle à écrire sur un compositeur qu'il honore régulièrement. On rencontrera dans ce livre tout en discrétion autant de précision que de sensibilité. Tout en établissant un état des lieux de la musique en France à l'arrivée de Rameau, s'ingéniant à brosser l'histoire d'un genre – celui de l'opéra, de la tragédie lyrique, de l'opéra-ballet, etc. –, Christophe Rousset en vient immanquablement à comparer la manière de son sujet à celle de Lully, à la fois plus austère et plus proche des livrets qu'elle utilise. Il s'interroge également sur la difficulté que l'on rencontre à jouer Rameau aujourd'hui.

Dijonnais baptisé le 25 septembre 1683, Rameau reçut probablement ses premières leçons de musique de son père organiste. Après avoir suivi jeune une troupe de théâtre ambulant en tant que violoniste, il serait organiste à l'église Notre-Dame des Doms à Avignon et à la Cathédrale de Clermont-Ferrand à dix-neuf ans. On le retrouve au clavier des Jésuites de la rue Saint-Jacques en 1706. Malheureusement, ces nombreuses pièces d'orgue, fixant ses premiers pas de compositeur, ont été perdues. Il publie son 1er livre de clavecin avant de succéder à son père, à Dijon (1709), puis de prendre l'instrument des Jacobins de Lyon (1713). Deux ans plus tard, il s'implante plus durablement à Clermont où, tout en composant beaucoup, il écrit le Traité d'harmonie qui le rendra célèbre.

De ces prémisses prometteuses, Rousset nous mène vers les tentatives et vexations du quarantenaire, véritable génie instrumental, puis à la création de son premier ouvrage pour le théâtre, Hippolyte et Aricie, créé le 1er octobre 1733. Si ses ennemis – car Paris était déjà Paris où le talent doit d'abord souffrir la haine des médiocres, rien n'y a changé ! – firent de cette première tentative d'un compositeur de cinquante ans un échec, Castor et Pollux, quatre ans plus tard, aura droit à vingt-et-une représentations en six semaines – sans parler de l'enfermement du pauvre Mouret rendu fou d'envieuse admiration !

Tout en proposant une approche spécifique de chaque genre abordé par Rameau – pièces pour clavecin, musique d'église, musique de chambre, œuvres lyriques (tragédies, opéras-ballets, comédies, pastorales, actes de ballet –, l'auteur dresse le portrait du compositeur, du pédagogue, du théoricien et de l'homme, en soulignant le caractère novateur de son œuvre (musique et traités). Voilà un ouvrage aussi précis que dense, étayé de nombreuses citations, révélant un Rameau vu comme une sorte de Boulez des Lumières.

BB